L’ancien secrétaire de l’association des Amis de Milosz, Rodolphe Kohler, est décédé le 27 janvier 2022 à l’âge de 83 ans. Ceux qui le connaissaient au sein de l’association n’ont appris son décès qu’en ce mois de juin. Né le 21 janvier 1939 à Rouffach en Alsace, il avait fait des études d’ingénieur qui ne le prédestinaient pas à la poésie. Son intérêt pour le grand poète lituanien d’expression française lui était venu lors de la préparation de la thèse de 3e cycle que son épouse Janine soutint en décembre 1970 sous le titre Thématique et signification de l’enfance dans l’œuvre poétique de Milosz. L’élaboration de ce mémoire doctoral avait nécessité de très nombreuses heures de recherche en bibliothèques, de multiples lectures et consultations d’archives … et d’abondantes discussions passionnées entre les époux Kohler, que Rodolphe relate dans son témoignage Mon Milosz à moi, paru dans le Cahier n°55 de l’association. Tous deux devinrent rapidement des membres actifs au sein de l’association des Amis de Milosz qu’avait créé en 1966 l’éditeur parisien André Silvaire. À la mort de celui-ci en 2003, Janine se vit confiée la présidence de l’association et Rodolphe, tout naturellement, le secrétariat. Malgré le décès de son épouse en 2014, il continua à en assumer la double charge de secrétaire général et de trésorier, ainsi que les contraintes du siège social. En 2019, fatigué et malade, il profita du large renouvellement de la direction de l’association, suite au décès du président Richard Bačkis, pour faire part de son souhait de se retirer. Il transmit alors à la nouvelle équipe (Olivier Piveteau, Christophe Langlois, Luc Coste Sarguet, Christine Hantusch) tout ce que Janine et lui avaient pu constituer comme archives de l'association et comme bibliothèque personnelle sur Milosz, un fonds particulièrement précieux pour la pérennité de l'association.
À l’occasion de la présentation de son livre consacré à Oscar Milosz ce 15 juin, l’autrice lituanienne Jurga Vilė rédigea l'hommage suivant à Rodolphe Kohler : "Quand j’ai commencé à préparer mon livre sur Oscar Milosz, Caroline Paliulis m’avait conseillé de le rencontrer. C’était l’époux de Janine, la légendaire présidente de l’association des Amis de Milosz. Janine s’était dévouée à Milosz. Rodolphe s’était dévoué à Janine. Il aimait donc aussi Milosz. C’est lui qui disait : à chacun son Milosz. On s’est vu juste une fois. À Paris. On a déjeuné dans un restaurant thaï-chinois du 13e, métro Porte de Saint-Ouen. Il hésita à accepter de venir. On a commandé deux grands bols de soupe aux nouilles. Rodolphe m’a demandé si je connaissais l’odeur du lin pourrissant que Milosz avait mentionné dans sa poésie. Il m’a aussi parlé de l’effet sfumato qu’il a perçu dans l’œuvre de Milosz. De ses découvertes photographiques et géométriques. À ma question quel oiseau il aimerait être, il a répondu : une pie. Car les pies sont toujours à deux. Il a parlé de lui et de Janine. Ils se sont envolés à deux dans les pages de mon livre, Rodolphe portant un appareil photo. (…) Il est parti en janvier. Je ne l’ai appris qu’aujourd’hui. Je le vois planer dans les champs, habillé en queue-de-pie bleu foncé, perlé de gouttes de brume. En silence, avec juste les abeilles qui bourdonnent..."