"Nous sommes tous des Lituaniens !"
Dans le cadre de la campagne référendaire sur le projet de traité constitutionnel européen, l’hebdomadaire L'Express daté du 23 mai 2005 a publié la tribune suivante de Bernard Carayon, député du Tarn: « Ne le répétez pas : je ne connais pas parfaitement l'histoire de la Lituanie! Je suis d'ailleurs convaincu que les Lituaniens ne connaissent pas bien l'histoire de France. Alors, pourquoi ont-ils souhaité partager la même Constitution que nous? Le résultat du référendum du 29 mai n'a aucune importance si nous ne savons pas, nous, Français, répondre à cette question simple au cœur de notre hésitation. L'Europe qui se construit laborieusement par le rapprochement volontaire d'Etats et par la négociation apparaît aujourd'hui comme une exception: un espace de paix, de développement économique, de solidarité partagée et de protection des plus faibles, où les droits de l'homme, les cultures, les religions, l'égalité entre hommes et femmes sont respectés. Aux yeux du monde, l'Europe représente un idéal démocratique, surmontant nationalismes et idéologies. Dans notre inconscient collectif, notre Europe à nous, Français, est celle de Barrès, qui souhaitait, au soir de sa vie, que s'effacent les frontières entre la France et l'Allemagne. Portée aujourd'hui en France par la génération de ceux qui l'ont créée, cette Europe a une histoire, des frontières et des valeurs. Droit du sol, droit du sang. Nos nouveaux concitoyens - et, avec eux, tous ceux qui souhaitent appartenir à l'Union - ont, semble-t-il, une vision différente de cette Europe en évolution. Après soixante-dix ans de soviétisme, elle est une rupture, un avenir, un objectif dont rêve la jeune génération au pouvoir dans les Etats qui viennent de rejoindre l'Union européenne. C'est l'Europe que décrivait Renan sous les traits de la nation, celle du «vouloir vivre ensemble». Droit à l'espérance... Ce sont eux qui ont la vision juste de ce que, depuis cinquante ans, des pays européens construisent à petits pas: pas de grand dessein, mais un assemblage progressif; pas de fusion romantique, mais l'ajout régulier de libertés et de contraintes partagées. Le résultat du référendum du 29 mai n'a guère d'importance si nous n'avons pas compris que nos inquiétudes viennent de ce malentendu initial. Si cette hypothèque est levée, il deviendra plus facile d'admettre que le traité constitutionnel européen est un texte imparfait, fruit de compromis, et qu'il ne constitue qu'une étape. Le développement économique, nous en sommes convaincus, ne peut se faire au prix de la guerre sociale. En convaincre nos partenaires est un objectif, et non un préalable. Nous sommes tous des Lituaniens. »
http://www.lexpress.fr/
http://www.bcarayon81.org/
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Libellés : Europe, France-Lituanie
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