07 juin 2007

Vincas Mykolaitis-Putinas, le grand romancier de l'entre-deux guerres

C’est un 7 juin qu’est mort, il y a 40 ans, l’écrivain lituanien Vincas Mykolaitis-Putinas (1893-1967), dont Altorių šešėlyje (A l'ombre des autels) est considéré comme l’œuvre romanesque la plus importante de l'entre-deux guerres. Né à l’époque tsariste à Pilotiškes (près de Mariampolė), il entre au séminaire et poursuit des études de théologie à Petrograd à partir de 1915. Attiré par les symbolistes russes, grand admirateur de Rainer Maria Rilke et d'Oscar Wilde, il considère néanmoins que la littérature d'un petit pays exige de rester dans la continuité de la tradition en lui appliquant une extrême rigueur intellectuelle et une forme classique. Très vite, il devient l'un des poètes les plus importants et les plus singuliers de son époque. Ses premiers recueils, publiés à partir de 1917, s'inscrivent dans la mouvance de l'héroïsme déclama­toire de Maironis qu'il abandonne bientôt au profit d'une démarche symboliste à tendance mystique qui n'est pas sans rappeler les tableaux visionnaires de M.K. Čiurlionis. Peu à peu, le sujet, le "je" poétique de Putinas prend le chemin de la rébellion et désigne la sauvegarde de la liberté intérieure du poète comme la valeur suprême. Après la Première guerre mondiale, il poursuit ses études à Fribourg, puis à Munich et ressent déjà l'incompatibilité de sa vocation de prêtre avec celle de poète. Proclamant que "l’essentiel est dans l'humain", il trouve des accents dostoïevskiens pour exalter la souffrance en tant que seul ressort interne de la création. L'approche de la Deuxième guerre mondiale et la montée du totalitarisme lui inspirent une série de poèmes prophétiques sur le ton de l'anathème. Entre-temps, Putinas a jeté la soutane aux orties. Dans la Lituanie prude des années 1930, catholique romaine à 97%, un prêtre défroqué qui, de surcroît, prend épouse, représente le scan­dale suprême. C'est cette cassure, à la limite du dédoublement de la personnalité, que l'écrivain s'efforce de présenter dans sa première œuvre en prose. A l'ombre des autels est une œuvre stendhalienne, mais en même temps un "roman de formation" à l'allemande, retraçant les doutes et la maturation d'un séminariste-poète qui ressemble à l'auteur comme un frère, tiraillé entre la résignation et la révolte, l'esprit et le sexe, obsédé par des visions érotiques à la limite du cauchemar qui représentent, elles aussi, une première dans la littérature lithuanienne. Les doutes et les hési­tations, la résignation et la souffrance muette du personnage, ses compromis et sa révolte intérieure sont perçus par la critique contemporaine comme une analyse magistrale du caractère lituanien. Le roman de Putinas illustre, mieux que tout commentaire, le malaise de l'intellectuel lithuanien de culture cosmopolite, pris dans l'étau de la contradiction entre un système national bardé d'impératifs catégoriques et le besoin d'une prise de conscience individuelle. Contrairement à la plupart de ses contemporains et amis qui prennent le chemin de l'exil en 1944, lorsque l'Armée rouge franchit à nouveau la frontière lituanienne, Putinas décide de rester. Composant avec le régime sans s'y rallier, il est le seul écrivain "bourgeois" - au sens marxiste du terme - à accéder au rang de classique de son vivant. Poursuivant son œuvre poétique, il se consacre surtout à un travail d'historien et d'analyste de la littérature lituanienne et meurt à l'âge de 84 ans. Pour en savoir plus, lire « La littérature lithuanienne » de Ugnė Karvelis :
http://www.cahiers-lituaniens.org/litterature.htm
http://lt.wikipedia.org/wiki/Vincas_Mykolaitis-Putinas

Libellés : , ,