L’épilepsie de l’élan, une étrange croyance lituanienne qui marqua l’histoire de la zoologie et de la médecine
L’élan fut durant de longs siècles l’un des animaux les plus mystérieux d’Europe. Vivant au nord de l’Europe, il resta longtemps inconnu des naturalistes français, italiens et même de la plupart des auteurs allemands. Rien d’étonnant à ce que les anciens naturalistes l’aient considéré comme un "âne des forêts", sachant qu’ils n’avaient qu’une connaissance médiatisé de cet animal. Olaus Magnus (1490-1558), l’un des rares parmi ces auteurs qui a probablement pu voir cette bête dans sa Suède natale, décrivit le combat d’onagres contre des loups. Ulysses Aldrovandi (1522-1605), quant à lui, en dessinant l’élan n’avait à sa disposition que de vagues informations envoyées de Cracovie à sa demande. La Pologne-Lituanie et la Suède avaient pour habitude d’être décrit, depuis environ le début du XVIIe siècle, comme patries d’étranges animaux. Les histoires les plus fantastiques circulaient au sujet d’élan en Europe, qui ont d’ailleurs influencé durant des siècles les sciences naturelles. Ces histoires étaient pour la plupart sans doute alimentées par les croyances et les légendes populaires. Parmi les plus étranges de ces histoires, il y avait celle de l’"épilepsie de l’élan" et des vertus thérapeutique du pied de cette bête contre les crises d’épilepsie. Véhiculée par de nombreux auteurs, cette étrange croyance trouve sa source en Lituanie. Un élan poursuivi par des chasseurs était, disait-on, soudainement tombé, pris d’une crise d’épilepsie. En vertu des principes de la loi des signatures selon laquelle "les semblables soignent leurs semblables", le pied de l’élan fut alors reconnu comme précieux remède contre l’épilepsie. Cette croyance fut largement répandue par Apollonio Menabene dans De alce epistola, publié à Cologne en 1581 dans Tractatus de Magno Animali. Elle a persisté environ deux siècles. Le pied, le sabot et la corne de l’élan entraient dans la composition de nombreuses potions ; en ce qui concerne le commerce de sabot de bœuf, il fleurissait car ils étaient vendus en tant que sabots d’élan, malgré de nombreux conseils publiés "au sujet des signes qui peuvent servir à distinguer le sabot d’élan de celui du bœuf, qu’on lui substituait souvent frauduleusement dans le commerce ". Cette croyance ne fut réellement contestée par des savants comme J.C. Valmont de Bomarre (1731-1807) dans son "Dictionnaire raisonné universel de l’histoire naturelle" (1802) ou Jean Goulin (1728-1799) dans son "Abrégé de l’Histoire naturelle à l’usage des élèves de l’école royale militaire" (1777). Il a fallu que, durant son séjour en Lituanie, Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814) s’intéresse à cette question. Ce naturaliste fut probablement l’un des premiers, si ce n’est le premier, qui éleva des élans, capturés et que lui avaient offerts les veneurs de Stanisłas August Poniatowski. Il nota que "c’est un préjugé de croire que les balles ne peuvent pénétrer la peau d’élan ; nous en avons vu abattre avec des balles de fer, qui pénétroient dans la poitrine. Un autre préjugé aussi répandu, c’est de croire que l’élan est attaqué d’épilepsie après de longues courses. J’en ai vu qui étoient harcelés des journées entières, et qui ne tomboient jamais. Dans presque toutes maisons en Lithuanie, on conserve des bagues dont le chaton est rempli, par un fragment taillé, de corne du pied de l’élan ; je peux assurer, d’après une foule d’épreuves dont j’été témoin, que cette amulette et la poudre de corne d’élan n’ont jamais retardé d’un seul jour les accès d’épilepsie". Ce n’est qu’en 1849 que le Dictionnaire de médecine usuelle informe à l’article "Pied-d’élan" : On employait autrefois la corne de pied de l’élan contre l’épilepsie. On disait que cet animal, atteint d’épilepsie, s’en guérissait en introduisant la corne de son pied dans son oreille ; ce remède est aujourd’hui complètement laissé à l’abandon. Pour en savoir plus, prendre contact avec Piotr Daszkiewicz, du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris :
piotrdas@mnhn.fr
piotrdas@mnhn.fr
Libellés : Daszkiewicz, Gilibert, Poniatowski, science
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