17 août 2012

Félix Drzewinski, un boursier lituanien à Paris au XIXe siècle

Conservé aujourd’hui à la bibliothèque de l’Université de Vilnius, le rapport envoyé par Félix Drzewiński (Feliksas Dževinskis) de Paris au doyen de la faculté des sciences physiques et mathématiques de Vilnius, est un document fort intéressant pour l’histoire des sciences. Datée du 12 mai 1818, il fut écrit à l’époque d’un véritable essor des sciences à Vilnius et alors que Paris était considéré comme la capitale scientifique de l’Europe. Cette réputation, ainsi que la francophonie et la francophilie des élites de l’ancienne République des Deux Nations, faisait de Paris une destination privilégiée pour la formation des jeunes scientifiques. Félix Drzewiński (1788-1850) marqua l’histoire de la physique, de la géologie et de la minéralogie tant par ses recherches que par son activité pédagogique. Il publia non seulement des livres en minéralogie et de nombreux résultats d’expériences mais aussi des manuels en physique expérimentale (Vilnius, 1823) et en physique pour l’enseignement secondaire (Vilnius, 1825). Son premier rapport, en accord avec l’instruction qui lui a été donnée par l’université, fut écrit après cinq mois passés à Paris. En arrivant en France, Drzewiński avait 30 ans et, depuis presque cinq ans, il enseignait la minéralogie à l’université. Il était déjà l’auteur de son premier livre en minéralogie (1816). Le rapport de 1818 donne une très intéressante image du "Paris scientifique" et du parcours en France d’un boursier originaire de Lituanie. Drzewiński suivait les cours de physique de Louis Joseph Gay-Lussac (1778-1850), de Jean-Baptiste Biot (1774-1862) et de Louis Lefèvre-Gineau (1751-1829) au Collège de France. Il présenta le contenu détaillé de ces cours et il remarqua l’importance des travaux des physiciens français sur la dynamique des gaz. Egalement au Collège de France, il fréquentait les cours de Georges Cuvier (1769-1832) sur l’histoire de sciences naturelles. Cependant cet enseignement fut reporté à l’année suivante, Cuvier étant tombé gravement malade. Drzewiński suivit aussi les cours de minéralogie d’Alexandre Brongniart (1770-1847) et, autant qu’auditeur libre, d’André Jean Marie Brochant de Villiers (1772-1840). Drzewiński assista également aux présentations à l’Institut de France et aux cours de François Arago (1786-1853) à l’Observatoire de Paris et visita les plus grandes collections minéralogiques de la capitale. A l’Ecole des Mines, il remarqua une collection volcanique réunie par Déodat Dolomieu (1750-1801) ainsi que "une collection des minerais trouvés dans les mines et purifiés dans les fabriques françaises et d'autres pays qui, durant quelques années, appartenaient à la France". La deuxième collection visitée fut celle de Balthazar Sage (1740-1824) à l’Hôtel des Monnaies. Enfin, à plusieurs reprises, Drzewiński venait étudier la collection du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Durant ses premières visites, il remarqua surtout la collection des météorites et des animaux fossiles des environs de Paris, trouvés et déterminés par Cuvier. Il visita la Manufacture de Sèvres, avec les étudiants de Brongniart qui fut à l’époque directeur de cette fabrique. Il y écouta ses leçons sur la production de la porcelaine et visita les équipements d’usine. Ce grand naturaliste demanda à Drzewiński de lui envoyer des spécimens de roches et de fossiles de Lituanie et s’intéressa à la production de la porcelaine dans ce pays. Très studieux, Drzewiński profita même de la visite au Musée de Louvre pour remarquer le caractère minéralogique des pierres précieuses. Il n’est guère surprenant que le MNHN occupa une place importante dans la formation du boursier de Vilnius. Il noua des liens d’amitié avec son professeur René Just Haüy (1743-1822) qui lui offrit une collection des minéraux pour l’Université de Vilnius. Le fait que Haüy soit considéré comme un des principaux fondateurs de la cristallographie montre l’importance de cette relation pour le jeune chercheur de Lituanie. Jean A.H. Lucas (1780-1825), conservateur de la collection, lui montra les célèbres collections de minéraux de Pierre Louis Cordier (1777-1826), de Jacques-Louis de Bournon (1751-1825) et d’Etienne de Drée (1760-1848). Dans la dernière partie du rapport, Drzewiński dresse une liste des appareils scientifiques qui faisaient défaut à l’Université de Vilnius et propose de les acheter à Paris. Nous savons que, grâce à son initiative, les célèbres modèles cristallographiques de Haüy sont arrivés en Lituanie. Pour en savoir plus, contact : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’histoire naturelle à Paris : piotrdas@mnhn.fr

Libellés : ,