06 décembre 2014

République des Deux Nations : La Conchyliologie de Dezallier D’Argenville

La Conchyliologie ou Histoire naturelle des coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles fut un des plus grands succès éditoriaux du XVIIIe siècle. A l’époque des nombreux cabinets d’histoire naturelle, les coquillages étaient l’objet d’un important commerce et ils atteignaient parfois des prix très élevés. Cet ouvrage, un véritable guide pour les collectionneurs, avait trois éditions et il fut acheté, lu et cité en toute Europe. Son auteur Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville (1680-1765) écrivit aussi les articles sur le jardinage de l’Encyclopédie. Grand connaisseur et collectionneur d’art, auteur de L’abrégé de la vie de quelques peintres célèbres, savant s’intéressant tant aux sciences naturelles qu’à la physique, propriétaire d’une importante collection naturaliste, il correspondait avec des nombreux naturalistes. Parmi ses correspondants, notons Mennicken, directeur général des collections du roi de Pologne et grand-duc de Lituanie Auguste III.
Les éditions successives étaient enrichies par de nouvelles données et la liste des cabinets européens devint de plus en plus complète. Dezallier d’Argenville cita aussi les collections de la République des Deux Nations. Il connaissait personnellement Jean Bernoulli (1710-1790). En décrivant le Cabinet d’histoire naturelle de la Société Physique de Dantzig, il cita le livre de "son ami M. Jean Bernoulli" et mentionna que "ce voyage est à la vérité écrit en allemand, mais je compte publier la traduction de cette description dans mes recherches sur l’histoire naturelle de la Pologne, qui feront partie d’un ouvrage que je publierai incessamment". Malheureusement il n’a jamais publié l’ouvrage en question. Il connaissait également Jean Baptiste Dubois de Jacigny (1753-1808), l’auteur de l’Essai sur l’histoire littéraire de Pologne car il informe que "cette notice des cabinets de la Pologne nous a été fournie par M. Dubois, Conseiller de la Cour de Sa Majesté le Roi de Pologne, Membre de plusieurs Académies, etc."
Après que l’on lui fit la une remarque que "le goût des connoissances solides n’est pas encore assez généralement répandu en Pologne pour qu’on doive s’attendre à y trouver un grand nombre de Cabinets d’histoire naturelle", il décrivit quelques-uns des plus importants cabinets des magnats, dont celui de la princesse Anna Jabłonowska (1728-1800). Il rendit public, parfois en quelques mots seulement, l’existence d’autres collections. Ainsi : "M. le Comte Ogiński, Grand-Général de l’Armée de Lituanie, possède à Varsovie une collection très-précieuse en coquilles & en mines ; une suite non interrompue de fœtus de tous les âges & de monstres, très bien conservés".
La plus intéressante est sa description de la collection royale : "Sa Majesté Stanislas-Auguste semble avoir inspiré à ses Concitoyens ce goût invincible pour le savoir, qui a toujours fait le caractère distinctif de son esprit. On ne lui enlèvera jamais la gloire d’avoir établi en Europe le premier Tribunal d’Education. Il n’a pas montré moins d’empressement à établir des observatoires, des Cabinets de physique & d’histoire naturelle. Les deux principaux Observatoires sont pourvus des plus belles machines : celui de Varsovie est sous la direction de M. l’Abbé Bystrzycki, & celui de Vilna, qui est le plus considérable, sous celle du célèbre M. Poczbut, Correspondant de l’Académie Royale des Sciences de Paris. Le Cabinet d’histoire naturelle de Sa Majesté n’est point encore rassemblé ; il y en a partie à Varsovie & partie à Grodno. Il s’en faut de beaucoup que cette collection soit complète mais elle s’accroît tous les jours par l’ordre de Sa Majesté & les soins de M. le Capitaine Carosi, qui en est le Garde. Quelques échantillons de mines de Pologne, une belle suite de mines étrangères, de pierres précieuses, de cristaux, & en sont les principaux objets. Les coquilles y sont en très petit nombre. On y remarque aussi de belles pétrifications indigènes & exotiques. La partie du Cabinet du Roi qui est à Grodno, sous l’inspection de M. Gilibert, Docteur en Médecine & Professeur de Botanique, est très intéressante, par la multitude de pétrifications Polonoises qu’on y rencontre".
La Conchyliologie fut sans doute une des principales sources d’information sur les collections polono-lituaniennes dans l’Europe des Lumières et, pour cette raison, elle mérite de ne pas être oubliée.
Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz :
piotrdas@mnhn.fr

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15 septembre 2014

Philippe-Rodolphe Vicat (1742-1783) en République des Deux Nations

Ce médecin suisse passa cinq ans en République des Deux Nations. Nous le connaissons surtout comme l’auteur du Mémoire sur la plique polonaise (1775), une de meilleures monographies sur cette maladie, à l’époque souvent considérée comme indigène de la Pologne et la Lituanie. Vicat termina les études de la médecine à Göttingen et soutint à Bâle, en juillet 1765, une thèse sur les bienfaits de l’exercice physique pour la santé. Juste après ses études, il partit dans l’Union polono-lituanienne où, "attaché à divers seigneurs", il pratiqua à Varsovie et dans divers lieux en Lituanie et en Livonie.
Dès son adolescence, Vicat connaissait Samuel-Auguste Tissot (1728-1797), médecin proche de Stanisław Auguste Poniatowski. Il resta également proche d’Albrecht von Haller (1708-1777). Après son retour en Suisse, Vicat devint le copiste et l’éditeur de l’œuvre de ce grand savant. Haller entretenait de bonnes relations avec Poniatowski ; c’est lui qui conseilla au roi d’engager Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814). C’est probablement par l’intermédiaire de ces savants que Vicat trouva un poste en République des Deux Nations.
Nous avons relativement peu de détails sur son séjour en Lituanie et en Pologne. Il fut bien accueilli par l’évêque de Kiev Józef Andrzej Załuski (1702-1774), grand mécène de la culture et fondateur d’une de plus grandes bibliothèques de l’époque des Lumières (près d’un demi-million de volumes). Vicat écrivit un éloge de Załuski dans l’introduction de son livre sur la plique. Par ailleurs, il dédia cette monographie à sa sœur "la castellane de Trock née comtesse de Zalucka". Les Jésuites de Vilnius, dont ce médecin protestant était l’hôte, lui firent connaître le vin de tilleul qui, d’après lui, surpassait "les meilleurs vins d’Espagne". Il devint d’ailleurs un chaud partisan de l’usage de cette plante en médecine. Longtemps après son retour en Suisse (1770), il parlait de l’hospitalité des paysans lituaniens, de leur liqueur de framboise et des petits pains cuits aux grains de pavot.
Médecin respecté dans le pays de Vaud, membre de la Société royale des sciences de Göttingen et de la Société des Philanthropes de Strasbourg, Vicat rédigea de nombreux travaux en médecine et en botanique, tels que l’Histoire de plantes vénéneuses de la Suisse (1776). Dans ces travaux, il revint souvent à son séjour en Lituanie. Ses écrits constituent non seulement d’intéressantes sources pour l’histoire des sciences mais aussi pour les mœurs lituaniennes. Il décrivit par exemple le grand usage de l’huile de lin "dont on employe une grande quantité en Lituanie, pour l’assaisonnement des mets dans les terms de jeûne & de carême". Nous lui devons aussi l’une de premières description du bortsch à l’époque où cette soupe se faisait encore avec la berce Heracleum sphondylium (photo) et non, comme aujourd’hui, avec des betteraves : "La branche ursine sert aux Lithuaniens à faire un mets qu’ils appellent bartsch, & dont l’usage est presque aussi générale que celui du pain. Ce bartsch n’est autre chose qu’une compôte aigre de branche ursine qu’on a fait fermenter dans un lieu tiède, avec un peu de levain de pâte & beaucoup d’eau, en sorte que c’est comme une compôte liquide ou plutôt un brouet aigrelet, auquel on ajoute souvent de raves, des navets, &c. qui donne un potage, qui cuit avec la viande de boucherie ou la volaille, n’est point désagréable".
Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz, Museum national d’Histoire naturelle.
piotrdas@mnhn.fr

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25 juillet 2014

L’énigme lituanienne de l’herbier de Dominique Villars (1745-1814)

Il y a 200 ans mourrait à Strasbourg le grand naturaliste Dominique Villars. Originaire des Hautes Alpes, il marqua l’histoire des sciences naturelles par ses travaux sur la flore alpine, notamment par son Histoire des plantes du Dauphiné. Médecin et directeur du jardin botanique de Grenoble, il sauva la vie – lors de la Journée des Tuiles – du jeune sergent Bernadotte, futur roi de Suède Charles XIV Jean. La révolution le priva de toutes ses fonctions dans sa région natale et il s’exila. En 1805, il obtint la chaire de botanique de l’école de médecine de Strasbourg, dont il devint doyen en 1809. Il est ainsi l’auteur du Catalogue méthodique des plantes du Jardin de l’École de Strasbourg. Il herborisait régulièrement dans les plaines du Rhin et dans les Vosges. En 1811, en compagnie des deux botanistes alsaciens Gustave Lauth et Auguste Nestler, il parcourut la Suisse, dont il publia ses observations dans son Précis d'un voyage botanique fait en Suisse, dans les Grisons, aux sources du Rhin, au St. Gothard.

Le muséum d’histoire naturelle de Grenoble conserve l’herbier de Villars (cf. Poncet V. 1999, L’Herbier de Dominique Villars, Témoin de la flore du Dauphiné, Muséum de Grenoble). Plusieurs plantes de cet herbier portent les étiquettes indiquant « Pologne » comme lieu d’origine. Il est intéressant de s’interroger sur la provenance de ces spécimens. Villars n’a jamais voyagé en République des Deux Nations (Pologne-Lituanie). Il connaissait par contre deux naturalistes qui y ont séjourné. Jean-Etienne Guettard (1715-1786) y passa deux ans (1760-62) en qualité de médecin de l’ambassadeur de France. En 1775, Villars parcourut les montagnes du Dauphiné et herborisa avec Guettard, Barthélemy Faujas de Saint-Fonds (1741-1819) et Adolphe Murray (1750-1803). Néanmoins, ce voyage et début de relation avec Guettard se tint plus de dix ans après le retour de ce dernier en France. Nous ne disposons d’aucune information sur l’éventuel l’herbier de Guettard contenant les plantes originaires de la République des Deux Nations.
L’hypothèse la plus probable est celle que c’est Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814) qui fut la source de ces spécimens. Villars correspondait avec Gilibert et échangeait avec lui des plantes et des informations. C’est Gilibert qui publia en 1786, au nom de Villars et à son insu, la Flora Delphinalis. Le botaniste dauphinois participa également à l’édition par Gilibert des Démonstrations élémentaires de botanique et à la détermination et publication des célèbres gravures de Pierre Richer de Belleval (1564-1632). Nous pouvons donc penser, avec une quasi-certitude, que les plantes de l’herbier de Villars dites de « Pologne » proviennent d’échanges avec Gilibert. Ce fait implique que ces plantes ne sont pas originaires de Pologne même, mais du grand-duché de Lituanie (soit du territoire de l’actuelle Lituanie et de la Biélorussie) où Gilibert herborisait avec ses élèves de Grodno et de Vilnius. Son herbier, une de plus anciens de la flore de Lituanie, fut presque entièrement détruit. En 1793, lors de la prise de Lyon par l’armée de la Convention, les révolutionnaires brûlèrent cet herbier en confondant les planches de plante avec des documents administratifs. L’herbier de Villars à Grenoble conserve donc les spécimens d’une grande importance pour l’histoire de la botanique en Lituanie.
Pour en savoir plus, prière de contacter Piotr Daszkiewicz :
piotrdas@mnhn.fr

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15 mai 2014

150e anniversaire de la mort de Stanisław Batys Górski (1802-1864)

Stanisław Batys Górski (Stanislovas Batys Gorskis, en lituanien) se donna la mort le 3 avril 1864. Il passa les dernières années de sa vie dans le domaine d’un de ses amis Adolf Kubalicki, près de Švenčionys (Święciany). La situation politique d’alors priva ce grand naturaliste de toute possibilité de travail scientifique et le condamna à dépendre de la générosité de ses amis. Stanisław Batys Górski était né à Dwórka près de Kobryń, aujourd’hui en Biélorussie. Après avoir fait ses études secondaires à Grodno, puis à Świsłocz, il s’inscrivit en 1820 à l’université de Vilnius où il étudia d’abord les sciences naturelles, puis la médicine. Il se spécialisa en pharmacie et en pharmacognosie. Il travailla avec le célèbre pharmacien et naturaliste Jan Fryderyk Wolfgang (1775-1859), professeur à cette université. Durant les années 1829-32, Gorski dirigea le jardin botanique académique. Après la fermeture de l’université, il enseigna la botanique, la pharmacie et la pharmacognosie à l’Académie médico-chirurgicale. Quand les autorités russes fermèrent également cette institution, il ne put continuer ses recherches que grâce à des amis mécènes, notamment Constantin Tyzenhauz (1786-1853). Nous devons à Górski les premières études scientifiques sur la flore de la forêt de Białowieża. Une partie de ses travaux a été publiée à Vilnius sous le titre Sur les plantes aimées par les bisons et les autres végétaux. Il est aussi l’auteur de la partie botanique de Naturhistorische Skizze von Lithauen, Volhynien und Podolien in geognotisch-mineralogischer, botanischer und zoologischer Hinsicht (Vilnius 1830) de Carl Eduard von Eichwald (1795-1876), ainsi que du chapitre sur les plantes rares de la Description statistique de Vilnius de Baliński (1835). De nombreux herbiers et musées de l’Europe, tel que le Muséum national d’Histoire naturelle à Paris (MNHN), lui doivent des plantes de Lituanie. En signe de reconnaissance, George Bentham lui dédia même une espèce : Copaifera gorskiana. Górski marqua aussi l’histoire de la zoologie avec ses travaux entomologiques, comme Analecta Ad Entomographiam Provinciarum Occidentali-Meridionalium Imperii Rossici, publié à Berlin en 1846, ou encore ses travaux sur l’histoire de la cochenille de Pologne, autrefois une ressource économique très importante pour la République des Deux Nations. Il est coauteur d’un manuel de zoologie en trois volumes, Zoologia albo Historya naturalna zwierząt (Vilnius 1836-1837). La Bibliothèque Centrale du MNHN en conserve un exemplaire avec la dédicace de Gorski à Achille Valenciennes (1794-1865), ichtyologiste et professeur du Muséum, « comme preuve de la plus haute estime de l’auteur ». La dédicace est datée du 29 novembre 1847 ; Gorski l'a signée durant son voyage en Europe occidentale. Grâce à la générosité de Tyzenhauz, il visita à deux reprises, en 1841 et en 1847, diverses institutions scientifiques en Allemagne, Autriche, France, Suisse et Italie. Sa description du jardin botanique de Palerme, publiée à Varsovie en 1843, nous informe qu’il rapporta d’Italie en Lituanie de « petites oranges connus sous le nom Mandarino ». Il fut ainsi probablement le premier à tenter introduire des mandarines en Lituanie. Dès son retour, il habita dans le domaine de son ami déjà cité, près de Švenčionys. Malgré sa situation difficile, il soigna gratuitement les paysans. Il se donna la mort durant la période de grand désespoir qui régna en Lituanie, lors de la répression russe qui suivit l’écrasement de l’insurrection de 1863. Pour en savoir plus, prière de contacter Piotr Daszkiewicz :
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28 avril 2014

George Bentham, des souvenirs liés à la Pologne-Lituanie

George Bentham (1800-1884) fut un des plus importants botanistes britanniques du XIXe siècle. Ses origines le plaçaient dans la haute société anglaise. Son père, Sir Samuel Bentham (1757-1831), était un spécialiste du génie naval et son oncle Jeremy Bentham (1748-1832) marqua l’époque par ses écrits en philosophie et en droit, ainsi que sur la réforme libérale de l’Etat. George laissa derrière lui des écrits autobiographiques (George Bentham : Autobiography, 1800-1834, edited by Marion Filipiuk, University of Toronto Press, 1997), qui sont un témoignage particulièrement intéressant, tant pour l’histoire des sciences naturelles que pour la politique et les mœurs de l’époque. Ce savant britannique était très lié à la France. Parfaitement francophone, il possédait des biens dans l’Hexagone. Auteur de nombreuses publications sur la flore française, dont un Catalogue des plantes indigènes des Pyrénées et du Bas Languedoc, il entretenait des relations privilégiées avec Augustin Pyrame de Candolle (1778-1841) et les botanistes du Jardin des Plantes de Paris. Si la République des Deux Nations n’existait déjà plus à l’époque, on trouve dans son autobiographie plusieurs traces de l’histoire de la Lituanie, de l’Ukraine et de la Pologne. Bentham passa une partie de son enfance au sein de l’empire russe, car son père faisait partie d’une mission ayant pour but la construction en Russie de navires pour la marine militaire britannique. Il visita donc aussi les ports baltiques et les forêts, dont celles de Lituanie. Plus tard, il correspondit et échangea des plantes avec Willibald Besser (1784-1842), qui dirigeait le jardin du célèbre Lycée de Volhynie à Krzemieniec (Cremenetz) en Ukraine, et avec Alojzy Estreicher (1786-1852), de l’Université de Cracovie. Il rencontra un des jeunes princes Czartoryski à Londres lors d’un dîner chez le « professeur Pillan », en compagnie de M. Napier, éditeur du Supplement to the Encyclopedia Britannica. Après le repas, Bentham se rendit en compagnie de Czartoryski à la réunion de la Royal Society. Durant son voyage en Allemagne, il assista le 5 septembre 1832 à Leipzig à la présentation d’une comédie musicale Der alte Feldherr, tirée d’une anecdote de la vie de Kosciuszko. C’était une des nombreuses manifestations de sympathie en Saxe en faveur de l’indépendance de l’Etat polono-lituanien, suite à la défaite de l’insurrection de 1831. Ces quelques souvenirs racontés par Bentham sont des épisodes historiques souvent absents des livres d’histoire et qui méritent pourtant de ne pas être oubliés. Pour en savoir plus, prière de contacter Piotr Daszkiewicz :
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07 avril 2014

Des roses du Muséum d’histoire naturelle de Paris pour le comte Tyszkiewicz

La famille Tyszkiewicz appartenait à la grande aristocratie de la République des Deux Nations. Elle possédait plusieurs châteaux et palais en Lituanie et en Pologne, notamment à Palanga, Astravas et Varsovie, ainsi que la grande forêt de Swislocz (dans le prolongement de la célèbre forêt de Białowieża) que le tsar confisqua en 1832 par mesure de rétorsion pour leur participation à l’insurrection de 1831. Ses membres occupaient les plus importantes fonctions, comme Ludwik Tyszkiewicz (1748-1808) qui fut hetman et trésorier du grand-duché de Lituanie. Ils ont laissé leur nom également dans l’histoire des sciences ; on citera ainsi les éminents frères archéologues Eustachy Tyszkiewicz (1814-1874) et Konstanty Tyszkiewicz (1806-1868) ou le collectionneur d'antiquités Michal Tyszkiewicz (1828-1897), fondateur d'un musée privé à Rome et donateur du Musée du Louvre. Leur nom est aussi lié à la longue tradition d’horticulture qui prévalait en République des Deux Nations au sein de la grande noblesse. Les propriétaires étaient souvent fiers de leurs jardins et des variétés des plantes cultivées. Nous n’avons malheureusement que très peu de précisions sur cette tradition. La lettre envoyée le 17 février 1854 par le comte Tyszkiewicz à Joseph Decaisne, du Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris, est donc un intéressant témoignage. Le comte, en passage à Paris, désirait visiter les serres du Muséum et aussi acheter pour ses propriétés diverses variétés des roses. Il les énonce : « Rose noire la plus foncée, Rose laquentinie, pourpre noire, Gloire de France, Madame Lecurveux, Queen Victoria blanche, Fortunés yellow, Rubanée la plus belle, Tigrée, Général Changarnier, Rose thé, Madame Mélanie Willemoz, Soleil d’Austerlitz, Blanche à cœur bleu, Rouge à cœur jaune, Zoé mousseuse partout ». Il souhaitait également rapporter en Lituanie « plusieurs espèces parmi les plus belles » de renoncules, d’anémones et de gladiolés. Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz :
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27 janvier 2014

80e anniversaire de l’édition de "Tentamen florae Lithuaniae"

L’ouvrage "Tentamen florae Lithuaniae" de Bolesław Hryniewiecki (1875-1963) a été publié en 1933. Dédié à l’université de Vilnius, ce livre est paru à l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de son fondateur, le roi Etienne Báthory (1533-1586). Il est une des plus importantes contributions à la connaissance de la nature lituanienne au XXe siècle. Tentamen n’est cependant pas uniquement un excellent ouvrage botanique comprenant la description de plus que mille espèces de plantes, l’analyse phytogéographique, phytosociologique et écologique de la flore lituanienne ; c’est également une source de premier ordre pour l’étude de l’histoire des sciences naturelles de cette partie de l’Europe.
Par ailleurs, nous devons à Hryniewiecki la biographie ainsi que l’analyse des notes botaniques et de l’herbier du frère Ambrosius – Jerzy Pabreżos (Pabreż) (1771-1849). Ce religieux de l’ordre des Bernardins, un Samogitien établi à Kretinga et formé à l’université de Vilnius, fut un des pionniers des recherches floristiques en Lituanie, l’auteur de la "Flore de Samogitie" et du dictionnaire des noms lituaniens des plantes, utilisé notamment par Matulionis pour son dictionnaire botanique lituano-russo-polonais (édité à Vilnius en 1904). Le manuel de botanique systématique en lituanien de Pabreżos fut édité plus que 50 ans après la mort de l’auteur aux Etats-Unis. Hryniewiecki renouvelle les écrits du frère Ambrosius sur la nomenclature populaire botanique et les règles de la formation des noms des plantes en Samogitie. Les informations publiées dans Tentamen sont d’autant plus importantes qu’une partie de l’herbier de ce botaniste fut perdue au moment de l’évacuation de Hryniewiecki d’Odessa, juste avant la prise de la ville et les massacres et pillages perpétrés en 1919 par les bolcheviques. Parmi les nombreux apports de ce livre à l’histoire des sciences, mentionnons encore la publication de l’autobiographie de Joseph Jundziłł (1794-1877), un des premiers savants qui ont étudié la flore de la Lituanie ; ce manuscrit fut découvert à Cracovie par Władysław Szafer (1886-1970).
Tentamen est aussi un livre plein d’érudition qui fait souvent référence à l’histoire et à la culture de la Lituanie. Les descriptions de la flore dans les poèmes de Mickiewicz et d’autres écrivains sont souvent citées et analysées. Hryniewiecki présente aussi des arbres historiques et d’autres monuments de la nature, dont les célèbres chênes Baublis, cité par Mickiewicz. Notons que le chêne fut l’objet des cultes païens et est dessiné par Konstanty Tyzenhauz (1806-1868) comme "témoin de la Lituanie préchrétienne", ou encore le pin de Napoléon, l’arbre de rencontre de l’empereur avec le tsar Alexandre Ier. Par ailleurs, Hryniewiecki souligne le rôle inspirateur de la culture pour les recherches naturalistes comme celles menées par Kazimierz Łapczyński (1823-1892) dans les forêts de Lituanie afin de retrouver des "hêtres de Mickiewicz".
Une notice biographique de l’auteur de Tentamen est disponible en ligne :
http://www.ihnpan.waw.pl/redakcje/organon/42/12hryniewiecki%20par%20daszkiewicz.pdf
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06 janvier 2014

Correspondance du biologiste Edward Janczewski (1846-1918) avec les Français Edouard Bornet et Joseph Decaisne

Edward Janczewski (Edvardas Jančevskis) est né en 1846 à Blinstrubiszki (Blinstrubiškiai), près de Raseiniai en Samogitie. Après avoir terminé le lycée à Vilnius, il continua ses études à Cracovie et à Saint-Pétersbourg. En 1872, il obtint son doctorat à l’université de Halle où il étudia sous la direction d’Anton de Bary (1831-1888), pionnier dans l’étude des algues et futur professeur et recteur de l’université de Strasbourg. Janczewski collabora avec de Bary jusqu’à la mort de ce grand botaniste allemand. Son intérêt pour la biologie des algues est à l’origine d’une longue amitié avec Edouard Bornet (1828-1911), grand algologue français.
Les travaux sur les algues maritimes, leur systématique, leur biologie et leur reproduction, les expériences génétiques sur les anémones - menées avant la redécouverte des travaux de Mendel -, sa ”Monographie des groseilles” et ses travaux sur l’anatomie et la physiologie des racines placent Janczewski au rang des plus importants botanistes de l’Europe centrale de l’époque. Il fut membre de diverses sociétés savantes et recteur de l’université Jagellonne de Cracovie. Marié à Jadwiga Szetkiewicz (1856-1941), Janczewski était le beau-frère de l’écrivain Henryk Sienkiewicz, prix Nobel de littérature en 1905. Il s’intéressait d’ailleurs vivement à la littérature : sa famille entretenait des relations amicales avec Maironis, et gardait aussi précieusement qu’une relique un portrait du grand poète Adam Mickiewicz, peint par Walenty Wańkowicz.
Francophone et francophile, Janczewski avait de nombreux liens avec la France. C’est à Cherbourg et à Antibes qu’il chercha les algues pour ses études. Il travailla sur l’herbier du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris. Il publia une grande partie de ses articles dans les revues scientifiques françaises. Il équipa son laboratoire à Cracovie en appareils achetés à Paris et surtout en microscopes de Nachet.
La bibliothèque botanique du Muséum à Paris et l’Institut de France conservent une riche collection de lettres de Janczewski, principalement adressées à Bornet et à Descaisne. Une grande majorité des lettres traitent de ses recherches, et plus particulièrement sur les algues, la physiologie des racines et l’hérédité des plantes.
Sujet de l’Empire austro-hongrois, Janczewski garda des liens avec la Lituanie. Il passait toutes ses vacances dans les biens de sa famille. Fils d’un philarète et prisonnier politique, il évoquait parfois dans ses lettres des sujets politiques. Le 22 juin 1887, il écrivit de Cracovie à Bornet : ”Vous connaissez peut-être la nouvelle mesure du gouvernement russe qui supprime le droit d’héritier de biens immeubles situés dans les provinces polonaises à tous les sujets étrangers. Cela équivaut presque à la confiscation. Ainsi qu’une foule de mes concitoyens, je suis bien atteint par cette mesure barbare car le bien de ma mère est situé en Lituanie”. Les évènements de 1905 trouvèrent écho dans ses lettres ; il écrivit le 20 avril 1905 : “Vous lisez bien les journaux et vous trouverez au courant des évènements dans l’empire des Tsars qui nous touchent de si près. Peut-être que le joug sous lequel nous avons vécu plus d’un siècle deviendra plus supportable, car dans la société indépendante russe se font déjà entendre des voix que la justice nous doit être faite, bien que cela ne conviendrait nullement aux Prussiens. Quelle tournure prendra la révolution en Russie, accomplie dans les esprits des classes civilisée, c’est aussi difficile de prévoir comme l’été, il y a un an, les résultats de la guerre et leurs conséquences”. Il perdit pourtant rapidement espoir et écrivit le 21 décembre 1905 : ”Vous comprenez bien que nous vivons depuis un an dans un état de surexcitation, entre deux terrorismes, l’un moscovite tsariste, l’autre révolutionnaire socialiste, et attendons toujours l’amélioration de nos destinés, en tremblant tous les jours pour tout et tous qui nous sont chers”.
Cette correspondance met aussi en évidence son grand mérite pour l’horticulture en Lituanie, qui lui doit l’introduction de nombreuses variétés de tulipes, glaïeuls, jacinthes, lys et fraisiers. Dans une lettre adressée à Joseph Decaisne (1807-1882) - à l’époque responsable du service des cultures au Muséum de Paris - et datée du 11 février 1879, Janczewski demanda à ce que lui soit envoyé ”au docteur Switzyn à Kowno” douze variétés de poires, sept de pommes, quatre de prunes et deux de cerises afin de les acclimater dans les biens de sa famille. Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’Histoire naturelle à Paris :
piotrdas@mnhn.fr

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12 décembre 2013

Joachim Lelewel à Abbeville, un intéressant témoignage de Boucher de Perthes

Il y a tout juste 180 ans, les autorités françaises avaient pris une décision jugée comme honteuse par une grande partie de l’opinion publique à l’époque, celle d’expulser Joachim Lelewel (1786-1861). Ce grand savant polono-lituanien, historien, numismate, professeur de l’Université de Vilnius avait été obligé quitté son pays en 1824, suite aux répressions policières qui visaient le milieu académique (et surtout les Philomates et Philarètes) et avait trouvé refuge en France. C’était un homme politique démocrate qui joua un rôle important dans l’opposition anti-tsariste, puis dans l’insurrection de 1830-31. Afin d’éviter la peine de mort après l’écrasement de l’insurrection par l’armée russe, Lelewel fut accueilli en France en 1831. A titre anecdotique, on remarquera que, comme de nombreux insurgés, il traversa la frontière prussienne en passant par la ville de Brodnica, qui portait à l’époque le nom de Strasbourg. Très actifs au sein de la Grande Emigration, il attira la colère de l’ambassade de Russie à Paris. Il fut ainsi forcé de quitter la capitale française après que le Comité National Polonais adressa un appel au peuple russe. Il se refugia à Lagrange, au domicile du général Lafayette. En août 1833, il fut même arrêté et reçut l’ordre de quitter la France. Sur la route d’exil vers la Belgique, il s’arrêta à Abbeville afin d’étudier une collection numismatique. Il y fit la connaissance de Jacques Boucher de Perthes (1788-1868). Les deux savants sympathisèrent rapidement et correspondirent durant les longues années de la carrière scientifique de Lelewel, comme professeur à l’Université de Bruxelles. Cependant, ces échanges n’étaient pas strictement scientifiques. Dans une lettre datée 29 octobre 1845 et conservée par la Bibliothèque municipale d’Abbeville, Lelewel demande à Boucher de Perthes de faire un don de ses ouvrages dans le cadre d’une collecte des livres pour les futures bibliothèques de la Pologne et de la Lituanie indépendantes. Boucher de Perthes se souvint de la visite de Lelewel dans une lettre à M.*** de 18 septembre, publiée dans ses souvenirs intitulés Sous dix rois (Paris, 1863). Il donna une description du personnage « accablé de tristesse » de Lelewel, « un savant d’une haute portée parlant trois ou quatre langues avec une admirable facilité ». Citons quelques lignes de cette lettre : « Il a employé tout le temps qu’il a passé à Abbeville à dessiner des médailles du cabinet de mon père. En huit jours, il en a copié deux cent vingt avec une merveilleuse exactitude. J’avais une petite collection à moi ; il voulut aussi en esquisser une trentaine. Je lui dis : ne prenez pas cette peine, emporter les médailles, je vous les offre de bon cœur. Il n’en voulut pas ; j’insistai. Enfin, après deux jours de pourparlers, il me dit qu’il les acceptait pour le musée de Varsovie. Je lui proposais de faire des démarches pour qu’il pût rester chez moi à Abbeville, en me portant sa caution. Il n’y voulut pas consentir, disant que mes démarches seraient inutiles, que les ministres lui étaient personnellement hostiles. Je lui dis que j’en parlerais au roi lui-même. Il ne le voulut pas d’avantage. Je le conduisis, un soir, à une séance de la Société d’Emulation. L’un des membres, M. de Poilly, y lut un travail sur les langues. Quand il fut sorti, M. Lelewel reprit le même sujet, et, d’abondance, il le traita d’une manière vraiment supérieure. (…). Sa position de fortune parait des moins heureuses, et pourtant il n’accepte aucun secours. Il quitta Abbeville fort mécontent, parce que le maître de l’hôtel où il était descendu, et qu’on avait payé d’avance, ne voulut rien recevoir de lui. Il prétendait que c’était un affront qu’on lui faisait ; qu’il n’était pas aussi misérable qu’on le croyait. Le fait est qu’il meurt de faim, et cela par fierté, par délicatesse, et qu’on ne peut l’inviter même à diner, qu’avec bien de précautions et comme par surprise. » Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’Histoire naturelle à Paris :
piotrdas@mnhn.fr

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18 septembre 2013

Le Balte Carl Eduard von Eichwald (1795-1876) et le Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris

Carl Eichwald est né à Mittau (Jelgava, Lettonie). Son parcours universitaire est typique des naturalistes germano-baltes de l’Empire Russe. Fils d’un noble de Courlande, professeur de langues et d’histoire naturelle, il fit ses études à Berlin, puis il continua dans diverses universités allemandes, suisses, anglaises et au Muséum d’Histoire naturelle (MNHN) à Paris. En 1819, il obtint son doctorat en se spécialisant en ichtyologie à l’Université de Vilna (Vilnius, Lituanie) et son habilitation à Dorpat (Tartu, Estonie) en présentant «De regni animalis limitibus atque evolutionis gratibus». Il commença sa carrière de professeur à Dorpat, puis il dirigea la chaire d’anatomie comparée et enseigna la zoologie et l’obstétrique à Kazan. Il organisa une expédition scientifique dans le Caucase et sur les bords de la Mer Caspienne. A partir de 1827, il dirigea la chaire de zoologie à l’Université de Vilna. Il s’y sentit successeur de Louis-Henri Bojanus. Il rédigea d’ailleurs une biographie du savant alsacien. En 1829, il dirigea une expédition scientifique ayant pour but d’étudier la nature de la Lituanie, de la Pologne Orientale et de l’Ukraine (Volhynie et Podolie), dont le résultat fut la publication «Naturhistorische Skizze von Lithauen, Volhynien und Podolien in geognotisch-mineralogischer, botanischer und zoologischer Hinsicht» (Vilna 1830). Après la fermeture de l’Université de Vilna, il travailla d’abord à l’Académie Medico-Chirurgicale et déménagea ensuite à Saint-Pétersbourg, où il travailla et resta jusqu’à la fin de sa vie. Ce grand naturaliste marqua l’histoire des sciences non seulement par de nombreux travaux - souvent fondamentaux - en zoologie et en paléontologie, mais aussi en tant qu’un des premiers et plus importants évolutionnistes du XIXe siècle. Carl Eichwald publia une partie de ses travaux en français pour ne citer que «Sur le système silurien de l'Estonie» (Saint-Pétersbourg, 1840) ou les trois volumes de «Lethaea rossica, ou Paléontologie de la Russie» (Stuttgart 1853-1868). Son nom figure sur le registre des auditeurs des cours de Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829 ; n°43 en 1818, donc une année avant la soutenance de sa thèse à Vilna). Existe t-il des souvenirs des échanges d’Eichwald avec le MNHN ? La Bibliothèque Centrale du Muséum conserve sa correspondance avec le mycologue Joseph-Henri Léveillé (1796-1870) et une lettre adressée à Henri Milne-Edwards (1800-1885), un éminent zoologiste qui a probablement connu Eichwald durant ses études à Paris. La bibliothèque de l’Institut de France conserve sa correspondance avec Joseph Decaisne (1807-1882), botaniste et jardinier du Muséum. Toutes ces lettres traitent de publications, de livres et d’échanges de spécimens botaniques, zoologiques et paléontologiques, dont par exemple des plantes fossiles demandées par Adolphe-Théodore Brongniart (1801-1876), professeur au Muséum et auteur de «Histoire des végétaux fossiles» (1828–37). Le nom de Friedrich Ludwig Fischer (1782-1854), proche collaborateur d’Eichwald et directeur du Jardin botanique de Saint-Pétersbourg, apparaît souvent dans la correspondance. La copie manuscrite conservée au MNHN, de la main de Franz Pruner - dit Pruner-Bey (1802-1882, éminent orientaliste, médecin et anthropologue et président de la Société d’Anthropologie de Paris) du travail d’Eichwald «Sur la faune mammifère de la molasse nouvelle dans la Russie méridionale et sur l’époque préhistorique de la terre qui s’y rattache» ainsi que son manuscrit «Sur une inscription scythique trouvée dans le gouvernement de Perm de l'Oural, avec deux figures» prouve l’important apport de ce naturaliste balte à l’anthropologie et l’archéologie de la Russie. Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz, historien des sciences, Muséum national d’histoire naturelle à Paris :

piotrdas@mnhn.fr

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12 août 2013

Dubois de Montperreux (1798-1850), un naturaliste suisse sur les terres de l’ancienne République des Deux Nations

C’est à Berlin et en français que parut en 1831 l’ouvrage "Conchiologie fossile et aperçu géognostique des formations du plateau wolhynie-podolien". L’auteur, le Neuchâtelois Frédéric Dubois de Montperreux (orthographié parfois Montpéreux), en se fondant sur les travaux d’Alexandre Brongniart et de paléontologues allemands, considéra que cette région de l’Europe était particulièrement intéressante pour la géologie bien qu’elle restât peu connue des savants. L’ouvrage s’est révélé le résultat d’un des plus importants travaux de géologie et de paléontologie sur l’Ukraine au XIXe siècle. Il comprend la description de plus d’une dizaine des unités lithostratigraphiques, de nombreuses descriptions des mollusques fossiles et une comparaison avec les faunes atlantique et méditerranéenne. Le parcours de l’auteur, un naturaliste talentueux mais privé des moyens, obligé d’émigrer à l’étranger en l’occurrence dans les provinces baltes de l’empire de Russie, constitue un exemple assez typique chez de nombreux précepteurs de français mais relativement rare chez les naturalistes. En 1819, Dubois de Montperreux trouva un emploi chez un Germano-Balte fortuné, Ferdinand Ropp (1779-1844), qui habitait à Mittau (aujourd’hui Jelgava, en Lettonie). Il y enseigna le français à ses enfants. Il profita du fait que la famille Ropp possédait par ailleurs une riche bibliothèque et une grande collection d’objets d’art, dont une grande partie provenait d’achats à Paris sur le marché noir des objets pillés par les troupes françaises en Italie durant la Révolution et sous l’Empire. Le jeune précepteur suisse était un autodidacte particulièrement doué, tant dans le domaine de l’art que dans celui des sciences naturelles. Après deux ans, il partit pour Pokroje (aujourd’hui Pakruojis, en Lituanie), une autre demeure de la famille Ropp. Il s’y fit fait connaître comme un dessinateur et un architecte doué en dirigeant les travaux de rénovation du château et de son parc. En 1829, après huit ans passés au service de la famille Ropp, Dubois de Montperreux partit sur les terres méridionales de l’ancienne République des Deux Nations, afin d’étudier la géologie de Volhynie et de Podolie. A la fin de son séjour, il accepta la proposition d’accompagner à Berlin en tant que secrétaire un jeune aristocrate, Alexandre Raciborowski. Il profita de cette occasion pour étudier chez l’helléniste Auguste Boeckh (1785-1867) et le géographe Carl Ritter (1779-1859). Cependant, ce sont les naturalistes Alexandre von Humboldt (1769-1859) et Leopold von Buch (1774-1853) qui ont joué un rôle particulièrement important dans sa formation. Ils furent aussi à l’origine de l’idée d’un nouveau voyage scientifique dans le Caucase. C’est en Lituanie, dans le domaine des Ropp, que Dubois de Montperreux rédigea l’ouvrage sur cette expédition. Parue en six volumes et complétée d’un atlas, la publication fut couronnée à Paris par le prix de la Société de Géographie, et à Saint-Pétersbourg par l’ordre de Saint Stanislas remis par le tsar. En 1839, le naturaliste retourna en Suisse où il enseigna l’archéologie à l’Académie de Neuchâtel. En 1848, il fit don à l’université de Zürich de sa collection, dont une grande partie des objets naturalistes et ethnologiques est originaire de Lituanie, de Volhynie et de Podolie. Frédéric Dubois de Montperreux mourut peu après en 1850. Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz, historien des sciences, Muséum national d’histoire naturelle à Paris : piotrdas@mnhn.fr

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01 juin 2013

Antoine Gouan (1733-1821) et les sciences naturelles en Lituanie


Antoine Gouan fut un de plus importants naturalistes d’Europe au tournant du XVIIIe et du XIXe siècles. Médecin formé à Montpellier, il resta toute sa vie liée à cette ville. Il marqua l’histoire des sciences naturelles par ses travaux en botanique dont Hortus regius monspeliensis et Flora Monspeliac, mais aussi en ichtyologie dont Historia Piscicum. Correspondant de Carl Linné (1707-1778), il a eu le grand mérite d’introduire en France le système de la nomenclature fondé par ce savant suédois, système qu’on utilise encore aujourd’hui. Bien qu’il ne se soit jamais rendu dans la République des Deux Nations, il a pourtant joué un rôle prépondérant pour les sciences naturelles en Lituanie. Nous ne savons pas exactement quand ont commencé ni de quelle nature étaient ses relations avec le roi et grand-duc Stanislas Auguste Poniatowski et avec son entourage. On peut supposer que c’est Albrecht von Haller (1708-1777), grand naturaliste et médecin suisse, très estimé par le souverain, et en même temps correspondant de Gouan, qui est à l’origine de l’estime dont le naturaliste de Montpellier jouissait dans l’Union polono-lituanienne. D’autres hypothèses ne sont pas à exclure, car Gouan correspondait notamment avec Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), l’auteur des Considérations sur le gouvernement de Pologne. Stanislas Poniatowski le voyait comme un candidat idéal pour enseigner les sciences naturelles et la médecine, ainsi que pour organiser un jardin botanique en Lituanie. Cependant, Gouan ne voulut pas quitter Montpellier et désigna son ancien élève et ami Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814). Rappelons que c’est ce dernier qui organisa les jardins botaniques à Grodno et à Vilna, en prenant Montpellier pour modèle. Le rôle de Gouan pour les sciences en République des Deux Nations est donc plus important que les simples conseils donnés à Poniatowski. Le souverain acheta l’herbier de ce naturaliste afin d’organiser un cabinet d’Histoire naturelle et donner un outil pour les études de la botanique en Lituanie. La Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris conserve la correspondance de Gouan avec Isidore Picot de Lapeyrouse (1744-1818) au sujet d’envoi de cet herbier à Grodno. Les célèbres plaques de cuivre de Pierre Richer de Belleval (1555-1632) furent également achetées et envoyées en Lituanie. Ces cuivres, longtemps considérés comme perdus, ont représenté environs quatre cents espèces végétales. Les rares tirages furent considérés comme une prouesse par les plus grands naturalistes du XVIIIe siècle. Gilibert -probablement grâce à Gouan- les retrouva à Montpellier et les acheta sur le compte de Poniatowski. Le roi les admira durant sa visite à Grodno. Gilibert avait le projet de les utiliser pour un grand ouvrage de botanique. Cependant, c’est Gouan qui détermina les plantes et fit un énorme travail en établissant une nomenclature récente et la synonymie avec les noms des autres auteurs. Ce travail lui prit 14 ans. Généreusement, il l’offrit à Gilibert. Ce dernier réussit à publier en République des Deux Nations une partie des cuivres (environs 60) des espèces dont il confirma la présence en Lituanie. Nous pouvons donc supposer qu’Antoine Gouan a contribué de manière significative à la réalisation de la première Flore de Lituanie Exercita phytologica, seu Flora Lithuanica. Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz, historien des sciences, Muséum national d’histoire naturelle à Paris :
piotrdas@mnhn.fr



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13 mars 2013

La Lituanie dans le livre d’un forestier britannique du XIXe siècle

John Croumbie Brown (1808-1895) fut un naturaliste renommé, connu pour ses travaux au Cap de Bonne Espérance et professeur de botanique au South African College. D’origine écossaise, il était révérend de l’église presbytérienne. Ses fonctions religieuses, ainsi que son intérêt pour la science, sont à l’origine de nombreux voyages. Il est connu pour avoir été un véritable pionnier des sciences forestières dans les pays anglophones. En 1877, il adressa, au Conseil municipal d’Edinburgh et au Royal Scottish Arboricultural Society, un projet d’organisation de l’enseignement forestier à l’université et un arboretum. Lors de ses voyages, il étudia et compara diverses traditions et méthodes de gestion forestière. Il fut aussi l’un des premiers à découvrir une relation entre la politique forestière et les changements climatiques. Brown avait de nombreux liens avec la France. Membre de diverses sociétés savantes, il fut l’auteur de publications sur l’ordonnance forestière de 1669 de Colbert et sur les plantations des pins sylvestres en France. C’est à lui que le monde anglophone doit la découverte des travaux de Pierre André de Vilmorin (1766-1862) et la reconnaissance de l’importance de l’école forestière française. Les voyages de recherches ont amené ce scientifique également en Lituanie et en Pologne. En 1885, il publia "Forest and Forestry in Poland, Lithuania, The Ukraine and the Baltic Provinces of Russia with notice of the export of timber from Memel, Dantzig, and Riga". Ce livre est non seulement une importante description de l’économie forestière (avec des remarques sur les lois forestières datant de XIVe siècle) et de l’agriculture. C’est aussi une précieuse source pour l’histoire. Brown nota plusieurs observations sur la société de l’époque, les coutumes, la culture et surtout sur l’administration tsariste qui lui était, par ailleurs, peu sympathique. Plusieurs dizaines de pages de cet ouvrage sont dédiées à l’histoire de la Lituanie et de la Pologne. Bien évidemment, ces fragments ne sont qu’une compilation de diverses sources historiques. Cependant, elles jouèrent probablement un rôle important en faveur de la popularisation des connaissances en langue anglaise sur l’histoire de ces pays ; d’autant plus qu’elles étaient lues par des cercles différents de lecteurs, y compris les amateurs de livres historiques et politiques. Les nombreuses remarques de Brown viennent néanmoins de ses propres observations ou de témoignages directs de personnes qu’il a rencontrées. Notons des fragments sur l’insurrection de 1863, son admiration pour l’indépendance des paysans lituaniens qui, même pendant des périodes de disette, refusaient l’aide du gouvernement russe ou encore ses notes sur le nombre de déportés polonais et lituaniens en Sibérie (il l’estimait par le nombre de demandes du Nouveau Testament) et leurs rôle pour le développement économique de cette région. Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’histoire naturelle à Paris :
piotrdas@mnhn.fr

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28 janvier 2013

Le Ogar Polski, un héritage du grand-duché de Lituanie

Au XVIe et XVIIe siècles, l’art de la chasse était une des activités préférées de la noblesse polono-lituanienne. Les chiens tenaient une place très importante dans cette culture. Nous avons connaissance de ces pratiques grâce aux traités anciens et surtout grâce aux livres de Jan Ostroróg (1565-1622), homme d’Etat, palatin de Poznań qui, après ses études à Bologne et à Strasbourg (il fut l’élève de Jean Sturm), est devenu conseiller et percepteur du roi et grand-duc Sigismond III Vasa. Passionné d’art de la chasse, il publia O psiech gończych i myślistwie z nimi (1608) [Sur les chiens de chasse et la vénerie avec eux] qui fait partie d’un ouvrage plus important : Myślistwio z ogary (1618) [La chasse avec les limiers]. Les célèbres limiers de Pologne (ogar polski), comme on appelait cette race, avaient pour origine les chiens de Saint-Hubert. On suppose qu’ils ont été croisés avec des limiers originaires d’Italie, puis avec la race des foxhounds d’Angleterre. La disparition de la République des Deux Nations et l’histoire tourmentée de la Lituanie et la Pologne furent la cause de la disparition de cette race, jadis si populaire. Ce n’est qu’en 1959 qu’un cynologue, Piotr Kartawik (1918-1969), a réussi à retrouver en Lituanie quelques chiens correspondants aux anciennes descriptions. L’élevage fut une réussite et, en 1966, cette race fut officiellement enregistrée par la Fédération Cynologique Internationale. Rappelons également une autre tradition cynégétique, liée par contre, elle, à l’histoire du braconnage. L’hybridation de chiens avec des loups était très répandue dans le grand-duché de Lituanie. Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814) a décrit ces hybrides au XVIIIe siècle. Les naturalistes français étaient particulièrement intéressés par cette question car, comme Georges Buffon (1707-1788), l’intendant du Jardin du Roi à Paris, ils n’avaient pas réussi eux-mêmes à réaliser de telles hybridations, malgré de multiples tentatives, alors que les braconniers lituaniens y arrivaient aisément à l’époque. Contact : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’histoire naturelle à Paris : piotrdas@mnhn.fr

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02 janvier 2013

Gustave Loisel (1864-1933) et les anciennes ménageries de la Lituanie

En 1912, Gustave Loisel publia une Histoire des Ménageries de l'Antiquité à nos jours. Cet ouvrage en trois volumes fut sans doute l’œuvre de la vie de ce professeur de zoologie à la Sorbonne et directeur du laboratoire d'embryologie générale et expérimentale à l'École pratique des hautes études. Auteur de plusieurs centaines de publications de divers domaines de zoologie et de biologie expérimentale, Loisel fut aussi passionné par l’histoire des sciences. C’était également un grand connaisseur de parcs zoologiques. Il fut chargé de préparer un projet de réorganisation de la Ménagerie du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) à Paris. Il a fait plusieurs missions dans les jardins zoologiques de divers pays d’Europe. La Bibliothèque Centrale du MNHN conserve les archives de ce scientifique, dont ses notes manuscrites de l’Histoire des Ménageries. L’ouvrage est le fruit de plusieurs années de recherches en France et à l’étranger. Aujourd’hui encore, il reste une référence dans la matière. L’auteur se rendit également en Pologne et en Lituanie. C’est un rare ouvrage qui traite des anciennes ménageries lituaniennes, s’appuyant sur des sources aujourd’hui perdues ou inaccessibles aux historiens. Nous lui devons notamment la description de « l’Académie des ours » de Smorgony (aujourd’hui en Biélorussie) ainsi que des ménageries de Radziwill (Radvila) : Dans ces pays les ours vivaient alors en abondance et des paysans pouvaient facilement prendre des oursons qu'ils élevaient et dressaient pour leur usage personnel, pour celui de leur seigneur, ou pour les vendre à des conducteurs ambulants. Dans le petit village de Smorgon ou Smorgony, par exemple, là même où Napoléon abandonna les restes de la Grande Armée, en 1813, il y eut un de ces élevages d'ours dont le souvenir est encore aujourd'hui très vivace dans la famille des Radziwill qui posséda ce village dès la fin du XVIIe siècle ; on l'appelait « l’Académie des Ours » non par ironie, mais parce que c'était l'habitude, à cette époque, de décorer du nom d'Académie les ménageries foraines. On venait acheter des ours dressés dans ces sortes d'écoles et on les conduisait, de bourgade en bourgade, pour leur faire donner, sur les places publiques, des représentations plus ou moins burlesques. Deux hommes accompagnaient généralement chaque bête; l'un qui jouait du tambour ou du violon, l'autre qui se déguisait en chèvre savante, au moyen d'un grand sac pourvu d'un masque, d'une paire de cornes et d'une barbiche. Au son de la musique, l'ours et la chèvre se dressaient, se plaçaient en face l'un de l'autre et se mettaient à mimer des scénettes amusantes, telles que : « Le petit garçon dérobant des pois », « La femme à sa toilette », etc. (…). Les riches propriétaires slaves avaient aussi leurs ours privés et, en particulier, les propriétaires de l'Académie de Smorgony. Vieille et riche famille lithuanienne, les Radziwill, notamment leur lignée protestante, possédaient des forêts immenses dans lesquelles ils aimaient à chasser la grosse bête : bisons, élans, ours, loups, cerfs, daims, sangliers. Au cours de ces grandes chasses, on trouvait parfois l'occasion de capturer des ours, que l'on plaçait dans des cages en bois ou dans des enceintes spéciales entourées d'une palissade et d'un fossé profond : les jeunes étaient généralement conservés pour le dressage; les bêtes adultes, plus fortes et plus belliqueuses, et par là même beaucoup plus appréciées par les seigneurs, étaient gardées pour les donner en spectacle contre des dogues danois ou anglais, lors de quelque grande fête. En 1592, par exemple, le prince Christophe Nicolas Radziwill envoie des ours sauvages pour les noces du roi Sigismond III. En 1613, le fils de ce Radziwill, Janusz, à la veille de se marier, veut, lui aussi, des ours pour ses noces. Il écrit à son frère, à Vilna, qu’il n’en trouve pas sur place et lui demande qu'il en fasse venir des élevages de Stuck, de Kojdonov, ou de Romanow et qu'il choisisse des ours assez bien dressés pour pouvoir dénouer les rubans des pantalons de ses beaux-frères. Seize ans plus tard, en 1629, c'est un autre Radziwill, Christophe II, qui donne l'ordre d'acheter dans les provinces du sud : douze chameaux, des chevaux rares, des faucons, des aigles, et d'une façon générale tous les animaux peu connus en Lithuanie qu'on trouvera. Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’Histoire naturelle à Paris : piotrdas@mnhn.fr

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18 décembre 2012

Cahiers Lituaniens : Jean-Henri Müntz à l’honneur du n°11

En cette veille de Noël, le 11e numéro annuel des Cahiers Lituaniens vient de paraître. En couverture, une aquarelle du peintre paysagiste mulhousien Jean-Henri Müntz (1727-1798) représentant une chasse à l’ours dans la forêt de Bialowieza, l'antique forêt des rois de Pologne et grands-ducs de Lituanie. Müntz est aussi connu pour avoir fait en Lituanie la plus ancienne représentation connue d’un bison d’Europe. Egalement au sommaire du numéro, l’étonnant destin du comte lituanien, palatin polonais et général de Napoléon né à Strasbourg, Louis Michel Pac ; le récit de la longue et tenace inimitié entre deux professeurs francophones de l’université de Vilnius au début du XIXe siècle, Joseph Frank et Louis Bojanus ; plusieurs textes sur les visiteurs lituaniens et polonais du célèbre cabinet d’histoire naturelle de Jean Hermann, sur les secrets du manoir de Tuskulenai, et sur la récente exposition en France d’œuvres de M.K. Ciurlionis et Kazys Simonis. Le numéro conclut avec un portrait de Jean Mauclère (1887-1951), le découvreur de la Lituanie moderne de l’entre-deux-guerres. http://www.cahiers-lituaniens.org

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05 novembre 2012

L. H. Bojanus sur Wikipedia

La notice sur Wikipedia consacrée au savant naturaliste alsacien Ludwig Heinrich Bojanus (1776-1827), professeur de médecine vétérinaire et d’anatomie comparative à l’université de Vilnius, membre de la Société de médecine de Paris et de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, comprend désormais neuf éditions linguistiques : allemande, anglaise, espagnole, française, galicienne, lituanienne, polonaise, roumaine et russe. Les liens externes des notices renvoient généralement vers deux articles en ligne, l’un en français, l’autre en lituanien, parus dans les revues suivantes : Cahiers Lituaniens et Mokslas ir Gyvenimas

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17 août 2012

Félix Drzewinski, un boursier lituanien à Paris au XIXe siècle

Conservé aujourd’hui à la bibliothèque de l’Université de Vilnius, le rapport envoyé par Félix Drzewiński (Feliksas Dževinskis) de Paris au doyen de la faculté des sciences physiques et mathématiques de Vilnius, est un document fort intéressant pour l’histoire des sciences. Datée du 12 mai 1818, il fut écrit à l’époque d’un véritable essor des sciences à Vilnius et alors que Paris était considéré comme la capitale scientifique de l’Europe. Cette réputation, ainsi que la francophonie et la francophilie des élites de l’ancienne République des Deux Nations, faisait de Paris une destination privilégiée pour la formation des jeunes scientifiques. Félix Drzewiński (1788-1850) marqua l’histoire de la physique, de la géologie et de la minéralogie tant par ses recherches que par son activité pédagogique. Il publia non seulement des livres en minéralogie et de nombreux résultats d’expériences mais aussi des manuels en physique expérimentale (Vilnius, 1823) et en physique pour l’enseignement secondaire (Vilnius, 1825). Son premier rapport, en accord avec l’instruction qui lui a été donnée par l’université, fut écrit après cinq mois passés à Paris. En arrivant en France, Drzewiński avait 30 ans et, depuis presque cinq ans, il enseignait la minéralogie à l’université. Il était déjà l’auteur de son premier livre en minéralogie (1816). Le rapport de 1818 donne une très intéressante image du "Paris scientifique" et du parcours en France d’un boursier originaire de Lituanie. Drzewiński suivait les cours de physique de Louis Joseph Gay-Lussac (1778-1850), de Jean-Baptiste Biot (1774-1862) et de Louis Lefèvre-Gineau (1751-1829) au Collège de France. Il présenta le contenu détaillé de ces cours et il remarqua l’importance des travaux des physiciens français sur la dynamique des gaz. Egalement au Collège de France, il fréquentait les cours de Georges Cuvier (1769-1832) sur l’histoire de sciences naturelles. Cependant cet enseignement fut reporté à l’année suivante, Cuvier étant tombé gravement malade. Drzewiński suivit aussi les cours de minéralogie d’Alexandre Brongniart (1770-1847) et, autant qu’auditeur libre, d’André Jean Marie Brochant de Villiers (1772-1840). Drzewiński assista également aux présentations à l’Institut de France et aux cours de François Arago (1786-1853) à l’Observatoire de Paris et visita les plus grandes collections minéralogiques de la capitale. A l’Ecole des Mines, il remarqua une collection volcanique réunie par Déodat Dolomieu (1750-1801) ainsi que "une collection des minerais trouvés dans les mines et purifiés dans les fabriques françaises et d'autres pays qui, durant quelques années, appartenaient à la France". La deuxième collection visitée fut celle de Balthazar Sage (1740-1824) à l’Hôtel des Monnaies. Enfin, à plusieurs reprises, Drzewiński venait étudier la collection du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Durant ses premières visites, il remarqua surtout la collection des météorites et des animaux fossiles des environs de Paris, trouvés et déterminés par Cuvier. Il visita la Manufacture de Sèvres, avec les étudiants de Brongniart qui fut à l’époque directeur de cette fabrique. Il y écouta ses leçons sur la production de la porcelaine et visita les équipements d’usine. Ce grand naturaliste demanda à Drzewiński de lui envoyer des spécimens de roches et de fossiles de Lituanie et s’intéressa à la production de la porcelaine dans ce pays. Très studieux, Drzewiński profita même de la visite au Musée de Louvre pour remarquer le caractère minéralogique des pierres précieuses. Il n’est guère surprenant que le MNHN occupa une place importante dans la formation du boursier de Vilnius. Il noua des liens d’amitié avec son professeur René Just Haüy (1743-1822) qui lui offrit une collection des minéraux pour l’Université de Vilnius. Le fait que Haüy soit considéré comme un des principaux fondateurs de la cristallographie montre l’importance de cette relation pour le jeune chercheur de Lituanie. Jean A.H. Lucas (1780-1825), conservateur de la collection, lui montra les célèbres collections de minéraux de Pierre Louis Cordier (1777-1826), de Jacques-Louis de Bournon (1751-1825) et d’Etienne de Drée (1760-1848). Dans la dernière partie du rapport, Drzewiński dresse une liste des appareils scientifiques qui faisaient défaut à l’Université de Vilnius et propose de les acheter à Paris. Nous savons que, grâce à son initiative, les célèbres modèles cristallographiques de Haüy sont arrivés en Lituanie. Pour en savoir plus, contact : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’histoire naturelle à Paris : piotrdas@mnhn.fr

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02 juillet 2012

Le mystère du séjour de Simon Rodriguez (1769-1854) en Pologne-Lituanie

Connu pour avoir été le professeur et mentor de Simon Bolivar, le libérateur de l’Amérique du sud, Simon Rodriguez fut au XIXe siècle l’un des penseurs parmi les plus originaux et plus influents de ce continent. Auteur d’importants écrits politiques sur l’organisation des nouvelles républiques, il occupa divers postes en Colombie, en Equateur, au Pérou et en Bolivie dans le domaine de l’organisation de l’enseignement, de l’agriculture et de l’industrie minière. Il est considéré comme le plus important pédagogue de l’Amérique du XIXe siècle, un théoricien de l’enseignement, auteur de méthodes originales d’apprentissage des mathématiques pour les enfants et d’une proposition de la réforme de l’orthographe. Passionné des sciences naturelles, il laissa une description du tremblement de terre à Conception au Chili, le même qui fut décrit par Darwin et le capitaine FitzRoy. En 1797, avant donc l’indépendance, il dut obligé de quitter le Venezuela après avoir publié une sévère critique du système éducatif des colonies espagnoles. Quatre ans plus tard, il arriva en France, sous le nom de Samuel Robinson, en hommage à l’œuvre de Daniel Defoe. A Paris, il étudia au Muséum national d’histoire naturelle en suivant l’enseignement de la chimie du professeur Antoine François Fourcroy (1755-1809). Il traduisit en espagnol "Atala" de Chateaubriand (1801). Franc-maçon et très actif politiquement, Rodriguez rencontra à nouveau Simon Bolivar et voyagea avec lui en Italie. Entre 1806 à 1823 (année de son retour en Amérique du sud), il vécut dans divers pays d’Europe, dont apparemment en Pologne, Lituanie, Russie et peut-être Ukraine. Durant cette période, il semble avoir travaillé pour une manufacture chimique, avoir appris les langues locales et enseigné dans une école, tout en restant en contact avec diverses organisations clandestines. Il est probable qu’il fut également en contact à Paris avec des émigrés politiques originaires de la République des Deux Nations. Les sources lituaniennes et polonaises semblent peu précises à ce sujet. Les biographes de Simon Rodriguez soulignent d’ailleurs qu’il y a peu d’informations fiables sur cette période le concernant, car la plupart d’entre-elles sont uniquement autobiographiques. L’Université Simon Rodriguez de Caracas lance ainsi un appel à toute personne qui disposerait d’éléments nouveaux à son sujet durant cette période. Contact : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’histoire naturelle à Paris : piotrdas@mnhn.fr

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14 avril 2012

Georg Johann Forster (1754-1794) et la fin de la République des Deux Nations

Le grand naturaliste allemand Georg Forster commença sa vie mouvementée très jeune. Dès l’âge de 11 ans, il accompagna son père, Johann Reinhold Forster (1729-1798), pasteur et naturaliste de Gdansk (Dantzig), dans une expédition au bord du fleuve Volga. Ensuite, les deux Forster se rendirent en Angleterre et participèrent au voyage autour du monde du capitaine Cook (1772-75). La publication de "A voyage toward the South Pole and Round the World" lui donna une grande renommée dans toute l’Europe. Grâce à cet ouvrage, Georg Forster est considéré comme un précurseur de la littérature moderne de voyage. Après cinq ans passés à Kassel en qualité de professeur d’histoire naturelle, il accepta la proposition de la Commission d’Education Nationale de la République des Deux Nations (l’Etat polono-lituanien) de diriger la chaire d’histoire naturelle de l’Université de Vilnius, vacante depuis le départ de Jean-Emmanuel Gilibert. Il passa trois ans en Lituanie, tout en obtenant en même temps (1785) son doctorat à l’Université de Halle. La tsarine proposa à Forster de participer à une expédition sur les côtes de l’Océan Pacifique, ce qu’il accepta et l’obligea à quitter Vilnius. Bien qu’il ne passa que trois ans en Lituanie, la science lui doit "Hortus botanicus Vilnensis" et "Diarium Faunae Floraque Vilnensis", deux oeuvres malheureusement restés à l’état de manuscrit. L’expédition ne se fit pas et Forster se rendit en Allemagne, d’abord en Goettingue, puis à Mayence. Au printemps 1790, il effectua un voyage de trois mois sur les rives du Rhin, en compagnie du jeune Alexandre de Humboldt. En 1792, alors que Mayence fut occupé par les Français, Forster, jacobin de conviction, y fut très actif dans l’administration provisoire de la République de Mayence. Il se rendit à Paris pour proposer le rattachement de cette République à la France. Considéré comme un traître et proscrit en Allemagne, il vécut comme réfugié à Paris où il resta très actif politiquement jusqu’à sa mort en 1794, intervenue suite à une pneumonie. Pendant les deux dernières années parisiennes de sa vie, il rêva encore de grandes expéditions scientifiques en Inde, en Perse et en Arabie. La lecture de ses lettres adressées principalement à sa femme Thérèse et publiées dans l’excellent ouvrage "Un révolutionnaire allemand, Georg Forster (1754-1794)", édité et traduit par Marita Gilli (Paris - Édition du CTHS, 2005), permet de constater que jusqu’à la fin de sa vie, il suivait les nouvelles de la République des Deux Nations et entretenait à Paris des contacts avec les émigrés polonais et lituaniens. Dans une lettre datée du 8 avril 1793, il écrivit "Hier, j’ai mangé avec le jeune Custine chez M. que tu as connu en Pologne et qui a épousé la belle P. Elle est à Rome et lui ici. Il y avait aussi d’autres Polonais, parmi eux une jeune princesse Lubomirska. Most a émigré en raison de la chute de la constitution du trois mai ". Dans une lettre datée du 19 mai 1793 : "Mon talent pour les langues est de toutes façons très sollicité ; car je rencontre souvent trois braves Polonais dont j’ai fait la connaissance ici ; Sulkowsky, Ma[l]iszewsky et Nagorsky qui m’aiment beaucoup Je parle un peu polonais. Tous ces gens se plaignent du traité de partage honteux lors duquel on a poussé l’impudence jusqu’à ne même pas alléguer le plus petit prétexte et jusqu’à dire tout de go : "Nous prenons parce que nous le pouvons." Le faible roi a traîtreusement livré à la Russie la Confédération à la tête de laquelle il était et qui, par la Constitution du 3 mai, lui donnait plus de pouvoir que n’en avait jamais eu un roi de Pologne avant lui. Pendant la guerre que les Polonais ont menée contre les Russes et qui a cependant coûté la vie à plus de 25 000 hommes des deux côtés, il a tout fait ce que pouvait un homme vendu à la Russie. La récompense est là ; on va vraisemblablement lui prendre, en dehors de la plus grande partie du pays que les puissance se partagent, le pouvoir sur ce qui reste. Cependant le pauvre homme a bien dû être mené par un petit brin d’honnêteté dans son comportement ; car, ce qui l’a conduit à cela a été la promesse que la Russie paierait ses dettes personnelles. L’ambitieux Félix Potocki, qui a crée la Confédération avec la protection de la Russie et humilié le pauvre roi, est maintenant également la dupe de la Russie, car il avait cru que les cours étaient altruistes et ne prendraient rien ! Maintenant, de puissant magnat polonais libre, il est devenu un simple sujet russe ; car ses biens se trouvent dans la partie russe. Dans toute la Pologne, personne n’est content. Ils se rendent compte de leurs erreurs et tout mûrit pour une révolution dès que la situation européenne en donnera l’occasion." Ces mots prouvent un grand intérêt de Forster pour la situation en République des Deux Nations. Au-delà de l’intérêt politique, c’est sans doute une nostalgie qu’il ressentait. Sa dernière phrase à ce sujet (dans la lettre du 23 juin 1793) fut : "Je peux difficilement penser à Mayence sans me mettre à pleurer, c’est aussi le cas pour Vilna." Remarquons la justesse de son analyse sur la situation politique de l’Etat polono-lituanien au moment des partages. Remarquons aussi que ses amis à Paris étaient des personnages de la grande importance. Parmi eux : Jozef Sulkowki (1773-1798), un brillant officier de la guerre contre la Russie et un insurgé, devenu chargé de mission diplomatique en Turquie par les autorités révolutionnaires à Paris et officier adjoint de Bonaparte, mort en Egypte ; Piotr Maleszewski (1767-1828), fils biologique de Michal Poniatowski, Primat de Pologne, qui fut un homme de lettres et un économiste de grande renommée. Pour en savoir plus, contact : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’histoire naturelle à Paris :
piotrdas@mnhn.fr

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