09 septembre 2006

Moïshé Rozenbaumas ou l'odyssée d'un «voleur de pommes»

Sous le titre anodin de «L'odyssée d'un voleur de pommes» est paru récemment le témoignage d'un Juif de Lituanie né en 1922, Moïshé Rozenbaumas. Il y parle de sa vie de jeune homme à Telšiai (qu’il nomme Telz, en yiddish), capitale de la Samogitie, et de celle la communauté juive de la ville, aujourd'hui disparue. Il y raconte l’horreur de l’extermination de sa famille et de ses amis, lors de l’occupation hitlérienne, son errance jusqu’aux confins de la Chine dans l’URSS de la débâcle de l'été 1941, et son engagement pendant quatre ans dans la 16e Division lituanienne de l'Armée rouge. C’est aussi le témoignage, après la guerre, d’un membre du Parti communiste, diplômé de l’Université marxiste-léniniste, «stalinien, bien formé dans la ligne du Parti, parfaitement endoctriné, aguerri aux méthodes bureaucratiques et très combatif» comme l’auteur se présente lui-même, tout en profitant du confort des nomenklaturistes (grand appartement, voiture, domestique, etc.). En 1957, au moment du Dégel khrouchtchévien, il émigra en France, via la Pologne. Témoignage donc forcément partial. Durant la période décrite, sont en effet totalement occultés : la brutalité de l’annexion de la Lituanie par l’URSS en juin-juillet 1940, les exécutions systématiques d’opposants qu’elle entraîna, les déportations massives de familles «bourgeoises» par les Soviétiques au printemps 1941, ainsi que l’extermination des derniers habitants allemands de la région de Klaïpeda et de Prusse orientale par l’Armée rouge, dans laquelle il combattit. Pas une allusion non plus à la guerre des partisans lituaniens contre l’occupant soviétique qui fit près de 30 000 morts à la fin des années 40, ni à l'expulsion en 1945 des 200 000 Polonais de Vilnius, ville où il s'était installé après la guerre.
Moïshé Rozenbaumas, « L'odyssée d'un voleur de pommes », La Cause des Livres, Paris, 2004, 228 pages, 18 euros.
http://perso.orange.fr/lacausedeslivres/

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