15 juillet 2009

Où et qui seront les Lituaniens de demain ?

Selon plusieurs sources, entre 250.000 et 350.000 Lituaniens ont profité de la liberté de circulation et d’établissement offerte par les pays de l’Union européenne ou de l'Espace économique européen. Soit une proportion proche ou supérieure à 10% de la population nationale, qui compte aujourd’hui un peu plus de 3 millions d’habitants. La crise économique et financière que traverse la Lituanie conduit à une recrudescence des départs et à un arrêt des retours qui avaient augmenté ces dernières années. Les Lituaniens tentent donc leur chance ailleurs, principalement au Royaume-Uni, en Irlande et en Norvège, où ils seraient respectivement près de 110.000, de 75.000 et de 50.000. Une fuite des jeunes actifs et des cerveaux de plus en plus handicapante pour la Lituanie. D’autant plus que ces émigrants ne sont qu’une partie de la diaspora lituanienne, estimée à plus d’un million d’individus éparpillés dans le monde. Les origines de cette large communauté sont avant tout à rechercher dans l’histoire tourmentée du pays, longtemps oppressé par les régimes tsariste et soviétique. Et selon la conception lituanienne de la nation, basée sur des critères principalement ethniques et culturels, la diaspora est partie prenante de la communauté nationale. La question s’est donc posée, depuis l’indépendance, des moyens de conserver l’unité de la nation malgré la distance. Pour les émigrants fraîchement partis en laissant leurs familles au pays, cela se fait plus ou moins naturellement. En 2007, la Lituanie a ainsi reçu 870 millions d’euros en termes de transferts de fonds venus des émigrés, soit environ 2 % de son PIB. Mais s’il semble naturel de garder contact avec ses proches, garder le lien avec la société civile et la vie politique nationale apparaît plus difficile. L’exemple des récentes élections est parlant. En Irlande, seulement 1.500 émigrés lituaniens (sur 75.000) se sont inscrire sur les listes électorales de l’ambassade en 2008. Ce manque d’intérêt des Lituaniens de l’étranger pour ce qui se passe dans leur pays d’origine est une raison cruciale du faible taux de participation en Lituanie et c’est donc la vie politique en elle-même qui est dévitalisée par cette situation. Si les pouvoirs publics veulent croire en un retour, à terme, d’une grande partie des émigrés, certains, moins optimistes, se posent la question de la pérennité de la situation démographique, sachant que la population ne cesse de diminuer depuis 1991. Les débats se concentrent maintenant sur une réforme de l’article 12 de la loi sur la citoyenneté, qui interdit toute double citoyenneté aux émigrés postindépendance, à quelques exceptions près. En conséquence, de nombreux citoyens émigrés ont "disparu" des registres nationaux en adoptant la citoyenneté de leur pays d’accueil. Mais le projet ne fait pas l’unanimité : la question est de savoir sur quelle base sélectionner les émigrés éligibles à la double citoyenneté. Utiliser la double citoyenneté comme palliatif au déclin démographique pourrait s’avérer risqué pour certains, au vu de la composition multiethnique du pays. Il n’est en effet pas question pour certains Lituaniens d’offrir cette possibilité aux communautés polonaises ou russophones du pays, qui comptent pour plus de 15 % de la population totale. L’alternative de la double citoyenneté est aujourd’hui, soit de la réserver aux seuls individus d’ascendance lituanienne au risque de se mettre au ban des Etats démocratiques européens pour discrimination nationale, soit d’en accepter le principe pour tous les citoyens et d’ouvrir ainsi le pays à un certain multiculturalisme.
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