30 juillet 2020

1870 : des uhlans lituaniens engagés dans la guerre franco-prussienne


Pendant la guerre franco-prussienne de 1870, plusieurs unités de uhlans lituaniens participèrent aux combats. Constitué en 1860 en Petite-Lituanie qui était alors intégrée à la Prusse-Orientale, le Litthauische Ulanen-Regiment Nr.12 (dont fit partie le cavalier en illustration) était une unité de cavalerie de l'armée prussienne. En temps de paix, ses escadrons 1 et 2 tenaient garnison à Insterburg / Įsrūtis et les 3 et 4 à Wehlau / Vėluva. Au début de la guerre, le régiment avait été affecté à la première division de cavalerie et participa aux combats à Saint-Privat et Gravelotte dès le 18 août 1870, puis au blocus de la forteresse de Metz. À la capitulation de Metz le 27 octobre, la division se déplaça vers la Loire, où l'armée française de la Loire menaçait l'anneau de confinement allemand autour de Paris. Les uhlans lituaniens prirent part à plusieurs batailles, jusqu'à ce qu'Orléans tomba finalement le 4 décembre 1870. La bataille de Beaune-la-Rolande fut particulièrement importante lorsque la première division de cavalerie, avec quatre bataillons de la 5e division d'infanterie, put intervenir juste à temps pour sauver le Xe Corps allemand de la défaite. Ce renfort a transformé une défaite imminente en une victoire claire. Certaines unités du régiment lituanien continuaient à se battre en avançant sur Vendôme jusqu'au début de la bataille du Mans en janvier 1871. Une fois les combats terminés, le 12e régiment fit partie des forces d'occupation en France et regagna ses garnisons à l'été 1871.
Rappelons le contexte de la guerre de 1870 dont on commémore cette année les 150 ans et dont la mémoire diffère selon les pays. En France, elle est souvent ressentie comme une odieuse et inconcevable agression allemande. Dans les faits, ce sont les visées expansionnistes constantes de la France vers l'Est qui avaient rendu cet évènement largement prévisible, voire incontournable. Le traité de Vienne de 1815 avait été pourtant particulièrement clément pour une France qui avait mis à feu et à sang toute l’Europe durant les guerres napoléoniennes (plus de deux millions de morts et disparus). Pour reconstituer un équilibre des nations et éviter une possible soif de revanche, les négociateurs de Vienne avaient sagement considéré qu’il ne fallait pas affaiblir la France et s’étaient contentés de la rétablir, à quelques détails près, dans ses frontières de 1792, sans la contraindre notamment à rendre à l’espace germanique l’Alsace et la Lorraine conquises aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant, dès la monarchie de Juillet, la revendication par la France de toute la rive gauche du Rhin, « frontière naturelle de la France » définie comme telle par les révolutionnaires de la Convention, s’était à nouveau réveillée et développée de manière de plus en plus vive. Après des velléités - vite découragées par l’Angleterre - sur la Belgique en 1830, la fièvre belliqueuse d’une opinion publique fonctionnant dans le vase clos parisien avait atteint un sommet en 1840 avec la « crise du Rhin », dans le cadre de laquelle le gouvernement d’Adolphe Thiers avant multiplié les gestes de préparatifs guerriers pour une reconquête des provinces rhénanes sur la Prusse. Cette attitude a, par contrecoup, attisé les passions nationales du côté allemand qui, par ailleurs, était engagé dans une dynamique de réunification, devenue inéluctable depuis la dissolution, provoquée par Napoléon Ier en 1806, du Saint-Empire romain germanique. Rappelons que la France était déjà perçue par la majorité des Allemands comme une nation agressive qui, depuis Louis XIV, n’avait cessé d’envahir les États allemands limitrophes et d'y occasionner de nombreuses destructions (cf. notamment la "dévastation du Palatinat"). Cette volonté française de récupérer toute la rive gauche du Rhin avait donc provoqué mécaniquement une poussée patriotique dans le cadre de laquelle l’Alsace et la partie thioise de la Lorraine devenaient, à l’instar de la rive gauche de la Rhénanie, l’expression de terres d’histoire, de langue et de culture germanique volées par le bellicisme français (cf. Land un Sproch, n°214).
Le 19 juillet 1870, sous un prétexte diplomatique, la France déclara la guerre à la Prusse qui était soutenue par une coalition de 24 États allemands : les membres de la Confédération de l'Allemagne du Nord, les royaumes de Bavière et de Wurtemberg et le grand-duché de Bade. L'armée de Napoléon III, mal préparée, essuya défaites sur défaites et s’effondra. En six mois, 150 000 victimes furent à déplorer. Le conflit s'acheva par la signature du traité de Francfort, le 10 mai 1871, qui rattacha l'Alsace-Lorraine à l'empire allemand nouvellement créé. Les Allemands occupèrent tout le nord de la France qu’ils ne libérèrent qu'au fur et à mesure du paiement par le gouvernement français d'un trésor de guerre de 5 milliards de francs-or. Alors que la Troisième République fut proclamé le 4 septembre 1870 à l’hôtel de ville de Paris, le roi de Prusse fut proclamé empereur allemand le 18 janvier 1871 dans la galerie des Glaces du château de Versailles (le choix du lieu faisant référence selon certains à celui de la signature, le 12 juillet 1806 au palais des Tuileries à Paris, du traité de la Confédération du Rhin, imposé aux États allemands par Napoléon Ier).
Quant au 12e régiment lituanien de uhlans, il reprit du service lors de la Grande Guerre, mais seulement sur le Front de l’Est. Il prit part d’abord à la bataille de Tannenberg en août 1914, puis à celle des lacs de Mazurie en septembre. Il fut affecté ensuite à des tâches de patrouille et de reconnaissance en Lituanie, le long du fleuve Niémen jusqu'en novembre 1915, puis de protection du littoral en Courlande jusqu’en août 1917, et enfin en Ukraine à partir de mai 1918 jusqu'à la fin de la guerre. Le 22 février 1919, le régiment retourna à Insterburg / Įsrūtis pour y être définitivement démobilisé et dissous.

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