La question de l'indemnisation de "l'occupation soviétique"
Lors de son discours aux diplomates lituaniens réunis le 7 janvier à Vilnius, le président de la République Valdas Adamkus a à nouveau soulevé la question de l'indemnisation par la Russie des dommages causés lors de "l'occupation soviétique" des années 1940-41 et 1945-91, et a même évoqué la somme de 28 milliards de dollars (soit l'équivalent du PIB de la Lituanie en 2006). Cette question a été soulevée par les dirigeants lituaniens dès le début des années 1990. En automne 2000, le président Adamkus avait déjà défini sa position sur ce problème en déclarant que l'indemnisation était une question de maturité et de bonne volonté politique pour la Russie, et que par conséquent la Lituanie n'avait aucune intention d'en appeler aux organes juridiques internationaux. Désormais, il fait de cette exigence l'un des objectifs prioritaires de la politique extérieure du pays pour 2008. Certes, aujourd’hui, plus aucun Etat, y compris la Russie, ne conteste que la Lituanie ait été intégrée à l’URSS en 1940 contre la volonté de la majorité de sa population. Le pays s’était vu transformé en une "République socialiste soviétique de Lituanie" (LTSR en lituanien) à l’issue d’une manipulation pseudo-juridique concoctée par Staline, dans le cadre des clauses secrètes du Pacte germano-soviétique de 1939, ce qu’a reconnu la Russie en 1992 en tant qu’Etat héritier de l’URSS. La question est donc plutôt aujourd’hui de déterminer si, d’une part, du point de vue du droit international, il s’agit d’une occupation ou d’une annexion et si, d’autre part, il est de l’intérêt de la Lituanie d’exiger une indemnisation. Selon les experts interrogés par le quotidien moscovite Gazeta, les signes caractéristiques de cette période semblent clairement militer en faveur d’une annexion plutôt que d’une occupation. Le mode de désignation des organes du pouvoir a été le même pour toutes les républiques de l’URSS et les lois étaient fondées sur les mêmes principes, sans discrimination envers les citoyens de Lituanie. L'écrasante majorité des dirigeants de la RSS de Lituanie était d'ailleurs de nationalité lituanienne. Bien sûr, le régime soviétique n’était pas démocratique mais il était le même dans toutes les républiques. Les arrestations, les déportations massives en Sibérie ou les exécutions étaient fondées sur des critères idéologiques ou de discrimination sociale communs à toutes les républiques, et non sur des critères raciaux ou nationaux (contrairement aux pratiques de l’Allemagne hitlérienne). Par ailleurs, grâce aux accords négociés par l’URSS et toujours reconnus au niveau international, la superficie du pays a même été agrandie, avec le rattachement de la région de Vilnius en 1939-40 (arrachée à la Pologne) et de la région de Klaipeda en 1945 (arrachée à l’Allemagne), soit l’équivalent de 30% de son territoire en août 1939. Pour Alexeï Makarkine, directeur adjoint du Centre des technologies politiques de Moscou, "il est donc difficile de parler d'occupation. Et si l'on parle d'annexion, il faudrait alors faire le rapport entre les pertes et les profits pour les deux parties". Selon les statistiques soviétiques, la production industrielle en Lituanie a été multipliée par environ 85 sur la période 1940-1990, et la production agricole par 2,5. Le développement de l'économie lituanienne a de fait été subventionné par des livraisons de pétrole et de produits pétroliers à bas prix, principalement en provenance de la RSFSR (République socialiste fédérative soviétique de Russie - nom de la Fédération de Russie à l'époque soviétique). L'avantage tiré par la Lituanie de la participation aux échanges entre les républiques de l’URSS a été évalué par la Russie à 35 milliards de dollars. On le voit, exiger aujourd'hui une indemnisation pour cette période est un pari risqué pour la Lituanie.
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Libellés : communisme_1954-1990, Russe
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