02 janvier 2013

Gustave Loisel (1864-1933) et les anciennes ménageries de la Lituanie

En 1912, Gustave Loisel publia une Histoire des Ménageries de l'Antiquité à nos jours. Cet ouvrage en trois volumes fut sans doute l’œuvre de la vie de ce professeur de zoologie à la Sorbonne et directeur du laboratoire d'embryologie générale et expérimentale à l'École pratique des hautes études. Auteur de plusieurs centaines de publications de divers domaines de zoologie et de biologie expérimentale, Loisel fut aussi passionné par l’histoire des sciences. C’était également un grand connaisseur de parcs zoologiques. Il fut chargé de préparer un projet de réorganisation de la Ménagerie du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) à Paris. Il a fait plusieurs missions dans les jardins zoologiques de divers pays d’Europe. La Bibliothèque Centrale du MNHN conserve les archives de ce scientifique, dont ses notes manuscrites de l’Histoire des Ménageries. L’ouvrage est le fruit de plusieurs années de recherches en France et à l’étranger. Aujourd’hui encore, il reste une référence dans la matière. L’auteur se rendit également en Pologne et en Lituanie. C’est un rare ouvrage qui traite des anciennes ménageries lituaniennes, s’appuyant sur des sources aujourd’hui perdues ou inaccessibles aux historiens. Nous lui devons notamment la description de « l’Académie des ours » de Smorgony (aujourd’hui en Biélorussie) ainsi que des ménageries de Radziwill (Radvila) : Dans ces pays les ours vivaient alors en abondance et des paysans pouvaient facilement prendre des oursons qu'ils élevaient et dressaient pour leur usage personnel, pour celui de leur seigneur, ou pour les vendre à des conducteurs ambulants. Dans le petit village de Smorgon ou Smorgony, par exemple, là même où Napoléon abandonna les restes de la Grande Armée, en 1813, il y eut un de ces élevages d'ours dont le souvenir est encore aujourd'hui très vivace dans la famille des Radziwill qui posséda ce village dès la fin du XVIIe siècle ; on l'appelait « l’Académie des Ours » non par ironie, mais parce que c'était l'habitude, à cette époque, de décorer du nom d'Académie les ménageries foraines. On venait acheter des ours dressés dans ces sortes d'écoles et on les conduisait, de bourgade en bourgade, pour leur faire donner, sur les places publiques, des représentations plus ou moins burlesques. Deux hommes accompagnaient généralement chaque bête; l'un qui jouait du tambour ou du violon, l'autre qui se déguisait en chèvre savante, au moyen d'un grand sac pourvu d'un masque, d'une paire de cornes et d'une barbiche. Au son de la musique, l'ours et la chèvre se dressaient, se plaçaient en face l'un de l'autre et se mettaient à mimer des scénettes amusantes, telles que : « Le petit garçon dérobant des pois », « La femme à sa toilette », etc. (…). Les riches propriétaires slaves avaient aussi leurs ours privés et, en particulier, les propriétaires de l'Académie de Smorgony. Vieille et riche famille lithuanienne, les Radziwill, notamment leur lignée protestante, possédaient des forêts immenses dans lesquelles ils aimaient à chasser la grosse bête : bisons, élans, ours, loups, cerfs, daims, sangliers. Au cours de ces grandes chasses, on trouvait parfois l'occasion de capturer des ours, que l'on plaçait dans des cages en bois ou dans des enceintes spéciales entourées d'une palissade et d'un fossé profond : les jeunes étaient généralement conservés pour le dressage; les bêtes adultes, plus fortes et plus belliqueuses, et par là même beaucoup plus appréciées par les seigneurs, étaient gardées pour les donner en spectacle contre des dogues danois ou anglais, lors de quelque grande fête. En 1592, par exemple, le prince Christophe Nicolas Radziwill envoie des ours sauvages pour les noces du roi Sigismond III. En 1613, le fils de ce Radziwill, Janusz, à la veille de se marier, veut, lui aussi, des ours pour ses noces. Il écrit à son frère, à Vilna, qu’il n’en trouve pas sur place et lui demande qu'il en fasse venir des élevages de Stuck, de Kojdonov, ou de Romanow et qu'il choisisse des ours assez bien dressés pour pouvoir dénouer les rubans des pantalons de ses beaux-frères. Seize ans plus tard, en 1629, c'est un autre Radziwill, Christophe II, qui donne l'ordre d'acheter dans les provinces du sud : douze chameaux, des chevaux rares, des faucons, des aigles, et d'une façon générale tous les animaux peu connus en Lithuanie qu'on trouvera. Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz, Muséum national d’Histoire naturelle à Paris : piotrdas@mnhn.fr

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