République des Deux Nations : La Conchyliologie de Dezallier D’Argenville
La Conchyliologie ou Histoire naturelle des coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles fut un des plus grands succès éditoriaux du XVIIIe siècle. A l’époque des nombreux cabinets d’histoire naturelle, les coquillages étaient l’objet d’un important commerce et ils atteignaient parfois des prix très élevés. Cet ouvrage, un véritable guide pour les collectionneurs, avait trois éditions et il fut acheté, lu et cité en toute Europe. Son auteur Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville (1680-1765) écrivit aussi les articles sur le jardinage de l’Encyclopédie. Grand connaisseur et collectionneur d’art, auteur de L’abrégé de la vie de quelques peintres célèbres, savant s’intéressant tant aux sciences naturelles qu’à la physique, propriétaire d’une importante collection naturaliste, il correspondait avec des nombreux naturalistes. Parmi ses correspondants, notons Mennicken, directeur général des collections du roi de Pologne et grand-duc de Lituanie Auguste III.
Les éditions successives étaient enrichies par de nouvelles données et la liste des cabinets européens devint de plus en plus complète. Dezallier d’Argenville cita aussi les collections de la République des Deux Nations. Il connaissait personnellement Jean Bernoulli (1710-1790). En décrivant le Cabinet d’histoire naturelle de la Société Physique de Dantzig, il cita le livre de "son ami M. Jean Bernoulli" et mentionna que "ce voyage est à la vérité écrit en allemand, mais je compte publier la traduction de cette description dans mes recherches sur l’histoire naturelle de la Pologne, qui feront partie d’un ouvrage que je publierai incessamment". Malheureusement il n’a jamais publié l’ouvrage en question. Il connaissait également Jean Baptiste Dubois de Jacigny (1753-1808), l’auteur de l’Essai sur l’histoire littéraire de Pologne car il informe que "cette notice des cabinets de la Pologne nous a été fournie par M. Dubois, Conseiller de la Cour de Sa Majesté le Roi de Pologne, Membre de plusieurs Académies, etc."
Après que l’on lui fit la une remarque que "le goût des connoissances solides n’est pas encore assez généralement répandu en Pologne pour qu’on doive s’attendre à y trouver un grand nombre de Cabinets d’histoire naturelle", il décrivit quelques-uns des plus importants cabinets des magnats, dont celui de la princesse Anna Jabłonowska (1728-1800). Il rendit public, parfois en quelques mots seulement, l’existence d’autres collections. Ainsi : "M. le Comte Ogiński, Grand-Général de l’Armée de Lituanie, possède à Varsovie une collection très-précieuse en coquilles & en mines ; une suite non interrompue de fœtus de tous les âges & de monstres, très bien conservés".
La plus intéressante est sa description de la collection royale : "Sa Majesté Stanislas-Auguste semble avoir inspiré à ses Concitoyens ce goût invincible pour le savoir, qui a toujours fait le caractère distinctif de son esprit. On ne lui enlèvera jamais la gloire d’avoir établi en Europe le premier Tribunal d’Education. Il n’a pas montré moins d’empressement à établir des observatoires, des Cabinets de physique & d’histoire naturelle. Les deux principaux Observatoires sont pourvus des plus belles machines : celui de Varsovie est sous la direction de M. l’Abbé Bystrzycki, & celui de Vilna, qui est le plus considérable, sous celle du célèbre M. Poczbut, Correspondant de l’Académie Royale des Sciences de Paris. Le Cabinet d’histoire naturelle de Sa Majesté n’est point encore rassemblé ; il y en a partie à Varsovie & partie à Grodno. Il s’en faut de beaucoup que cette collection soit complète mais elle s’accroît tous les jours par l’ordre de Sa Majesté & les soins de M. le Capitaine Carosi, qui en est le Garde. Quelques échantillons de mines de Pologne, une belle suite de mines étrangères, de pierres précieuses, de cristaux, & en sont les principaux objets. Les coquilles y sont en très petit nombre. On y remarque aussi de belles pétrifications indigènes & exotiques. La partie du Cabinet du Roi qui est à Grodno, sous l’inspection de M. Gilibert, Docteur en Médecine & Professeur de Botanique, est très intéressante, par la multitude de pétrifications Polonoises qu’on y rencontre".
La Conchyliologie fut sans doute une des principales sources d’information sur les collections polono-lituaniennes dans l’Europe des Lumières et, pour cette raison, elle mérite de ne pas être oubliée.
Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz :
piotrdas@mnhn.fr
Les éditions successives étaient enrichies par de nouvelles données et la liste des cabinets européens devint de plus en plus complète. Dezallier d’Argenville cita aussi les collections de la République des Deux Nations. Il connaissait personnellement Jean Bernoulli (1710-1790). En décrivant le Cabinet d’histoire naturelle de la Société Physique de Dantzig, il cita le livre de "son ami M. Jean Bernoulli" et mentionna que "ce voyage est à la vérité écrit en allemand, mais je compte publier la traduction de cette description dans mes recherches sur l’histoire naturelle de la Pologne, qui feront partie d’un ouvrage que je publierai incessamment". Malheureusement il n’a jamais publié l’ouvrage en question. Il connaissait également Jean Baptiste Dubois de Jacigny (1753-1808), l’auteur de l’Essai sur l’histoire littéraire de Pologne car il informe que "cette notice des cabinets de la Pologne nous a été fournie par M. Dubois, Conseiller de la Cour de Sa Majesté le Roi de Pologne, Membre de plusieurs Académies, etc."
Après que l’on lui fit la une remarque que "le goût des connoissances solides n’est pas encore assez généralement répandu en Pologne pour qu’on doive s’attendre à y trouver un grand nombre de Cabinets d’histoire naturelle", il décrivit quelques-uns des plus importants cabinets des magnats, dont celui de la princesse Anna Jabłonowska (1728-1800). Il rendit public, parfois en quelques mots seulement, l’existence d’autres collections. Ainsi : "M. le Comte Ogiński, Grand-Général de l’Armée de Lituanie, possède à Varsovie une collection très-précieuse en coquilles & en mines ; une suite non interrompue de fœtus de tous les âges & de monstres, très bien conservés".
La plus intéressante est sa description de la collection royale : "Sa Majesté Stanislas-Auguste semble avoir inspiré à ses Concitoyens ce goût invincible pour le savoir, qui a toujours fait le caractère distinctif de son esprit. On ne lui enlèvera jamais la gloire d’avoir établi en Europe le premier Tribunal d’Education. Il n’a pas montré moins d’empressement à établir des observatoires, des Cabinets de physique & d’histoire naturelle. Les deux principaux Observatoires sont pourvus des plus belles machines : celui de Varsovie est sous la direction de M. l’Abbé Bystrzycki, & celui de Vilna, qui est le plus considérable, sous celle du célèbre M. Poczbut, Correspondant de l’Académie Royale des Sciences de Paris. Le Cabinet d’histoire naturelle de Sa Majesté n’est point encore rassemblé ; il y en a partie à Varsovie & partie à Grodno. Il s’en faut de beaucoup que cette collection soit complète mais elle s’accroît tous les jours par l’ordre de Sa Majesté & les soins de M. le Capitaine Carosi, qui en est le Garde. Quelques échantillons de mines de Pologne, une belle suite de mines étrangères, de pierres précieuses, de cristaux, & en sont les principaux objets. Les coquilles y sont en très petit nombre. On y remarque aussi de belles pétrifications indigènes & exotiques. La partie du Cabinet du Roi qui est à Grodno, sous l’inspection de M. Gilibert, Docteur en Médecine & Professeur de Botanique, est très intéressante, par la multitude de pétrifications Polonoises qu’on y rencontre".
La Conchyliologie fut sans doute une des principales sources d’information sur les collections polono-lituaniennes dans l’Europe des Lumières et, pour cette raison, elle mérite de ne pas être oubliée.
Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz :
piotrdas@mnhn.fr
Libellés : Daszkiewicz, nature/2, science/2
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