15 septembre 2014

Philippe-Rodolphe Vicat (1742-1783) en République des Deux Nations

Ce médecin suisse passa cinq ans en République des Deux Nations. Nous le connaissons surtout comme l’auteur du Mémoire sur la plique polonaise (1775), une de meilleures monographies sur cette maladie, à l’époque souvent considérée comme indigène de la Pologne et la Lituanie. Vicat termina les études de la médecine à Göttingen et soutint à Bâle, en juillet 1765, une thèse sur les bienfaits de l’exercice physique pour la santé. Juste après ses études, il partit dans l’Union polono-lituanienne où, "attaché à divers seigneurs", il pratiqua à Varsovie et dans divers lieux en Lituanie et en Livonie.
Dès son adolescence, Vicat connaissait Samuel-Auguste Tissot (1728-1797), médecin proche de Stanisław Auguste Poniatowski. Il resta également proche d’Albrecht von Haller (1708-1777). Après son retour en Suisse, Vicat devint le copiste et l’éditeur de l’œuvre de ce grand savant. Haller entretenait de bonnes relations avec Poniatowski ; c’est lui qui conseilla au roi d’engager Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814). C’est probablement par l’intermédiaire de ces savants que Vicat trouva un poste en République des Deux Nations.
Nous avons relativement peu de détails sur son séjour en Lituanie et en Pologne. Il fut bien accueilli par l’évêque de Kiev Józef Andrzej Załuski (1702-1774), grand mécène de la culture et fondateur d’une de plus grandes bibliothèques de l’époque des Lumières (près d’un demi-million de volumes). Vicat écrivit un éloge de Załuski dans l’introduction de son livre sur la plique. Par ailleurs, il dédia cette monographie à sa sœur "la castellane de Trock née comtesse de Zalucka". Les Jésuites de Vilnius, dont ce médecin protestant était l’hôte, lui firent connaître le vin de tilleul qui, d’après lui, surpassait "les meilleurs vins d’Espagne". Il devint d’ailleurs un chaud partisan de l’usage de cette plante en médecine. Longtemps après son retour en Suisse (1770), il parlait de l’hospitalité des paysans lituaniens, de leur liqueur de framboise et des petits pains cuits aux grains de pavot.
Médecin respecté dans le pays de Vaud, membre de la Société royale des sciences de Göttingen et de la Société des Philanthropes de Strasbourg, Vicat rédigea de nombreux travaux en médecine et en botanique, tels que l’Histoire de plantes vénéneuses de la Suisse (1776). Dans ces travaux, il revint souvent à son séjour en Lituanie. Ses écrits constituent non seulement d’intéressantes sources pour l’histoire des sciences mais aussi pour les mœurs lituaniennes. Il décrivit par exemple le grand usage de l’huile de lin "dont on employe une grande quantité en Lituanie, pour l’assaisonnement des mets dans les terms de jeûne & de carême". Nous lui devons aussi l’une de premières description du bortsch à l’époque où cette soupe se faisait encore avec la berce Heracleum sphondylium (photo) et non, comme aujourd’hui, avec des betteraves : "La branche ursine sert aux Lithuaniens à faire un mets qu’ils appellent bartsch, & dont l’usage est presque aussi générale que celui du pain. Ce bartsch n’est autre chose qu’une compôte aigre de branche ursine qu’on a fait fermenter dans un lieu tiède, avec un peu de levain de pâte & beaucoup d’eau, en sorte que c’est comme une compôte liquide ou plutôt un brouet aigrelet, auquel on ajoute souvent de raves, des navets, &c. qui donne un potage, qui cuit avec la viande de boucherie ou la volaille, n’est point désagréable".
Pour en savoir plus, contacter Piotr Daszkiewicz, Museum national d’Histoire naturelle.
piotrdas@mnhn.fr

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