23 mars 2016

Une lettre de Giovanni Fabbroni (1752-1822), professeur honoraire de l’Université de Vilnius, à Georges Cuvier (1769-1832)


Physicien, chimiste, minéralogiste, botaniste, archéologue et parlementaire toscan, Giovanni Fabbroni joua un rôle important dans la politique française en Italie. En 1809, il fut nommé par Napoléon député d’Arno au Corps législatif. Nommé Chevalier de l’Empire, il remplissait d’importantes fonctions publiques telles que maître de requêtes au Conseil des États ou directeur des Ponts et Chaussées dans les départements au-delà des Alpes. Il eut un grand mérite d’avoir organisé et de développé l’industrie minière en Italie.

 Ce savant italien fut très apprécié à Vilnius. Correspondant d’Adam Czartoryski, il conseilla ce prince sur les questions d’organisation de l’université. Fabbroni avait lié des liens d’amitié avec Hieronim Stroynowski (1752-1815), archevêque de Vilnius, professeur et recteur de l’université, lors du voyage de ce dernier en Italie. Malgré des propositions de ce dernier, il ne souhaita pas quitter l’Italie pour une chaire universitaire en Lituanie. C’est grâce à la recommandation de Fabbroni que Luigi Cappelli (1776-1838) y devint professeur de droit.

 Une lettre de Fabbroni à Cuvier est conservée à l’Institut de France. Il y annonce : Mon ami le général Sokolnicki, Polonois, veut bien me faire le plaisir de se charger de cette lettre pour avoir le plaisir et l’honneur de vous être connu personnellement. Sa valeur, sa science, sa probité à toute épreuve lui mérite bien l’avantage être accueilli par les hommes aussi célèbres, bons et savants, tels que vous l’être. Sokolnicki, ancien officier de la République des Deux Nations, fut commandant de l’Ecole de génie militaire à Vilnius, puis l’un des chefs de l’insurrection de 1794. Emprisonné à Saint-Pétersbourg, libérée en 1796, il regagna Paris pour devenir l’un des commandants des forces polono-lituaniennes formées en Italie sous l’auspice de la France. Passionné de sciences et techniques, il fut rendu célèbre par la construction d’un pont sur le Niémen lors de la guerre russo-polonaise de 1792. Ses inventions, comme le « géodésigraphe », furent présentées à l’Institut de France. En Italie, il noua de nombreuses relations avec des savants et des artistes. Il publia de fréquents articles dans la presse et présenta ses travaux dans plusieurs écoles supérieures du pays. Au début de 1802, Sokolnicki partit en mission à Paris et Fabbroni en profita pour lui confier sa lettre. Comme c’était courant à l’époque, c’est par cet émissaire militaire qu’il fit transmettre “le dessin de la dépouille d’un être inconnu jusqu’à présent et découverte par un de mes amis” au “citoyen La Cépède” (Bernard-Germain de Lacépède, 1756-1825), célèbre zoologiste et professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris, alors dirigé par Georges Cuvier. Le dessin colorié représentait un poisson Saint-Pierre, attrapé pour la première fois près de Livourne. La lettre et le dessin sont un intéressant document, tant pour la biographie du général Sokolnicki que pour l’histoire des sciences naturelles du XIXe siècle. C’est Georges Cuvier qui prononça l’éloge de Fabbroni à l’Institut de France, à la mort de celui-ci.


Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz
piotrdas@mnhn.fr

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