03 juillet 2023

Jan Krynicki (1797-1838), élève de Bojanus à l’université de Vilnius, philarète et zoologiste

Né à la fin du XVIIIe siècle dans une famille de la noblesse polonaise en Ukraine annexée par la Russie, à Zvenyhorodka dans le Gouvernement de Kiev, le naturaliste Jan Krynicki fit ses études de sciences naturelles à l’université de Vilnius à l’époque de l’âge d’or de celle-ci. Dans la notice nécrologique que le zoologiste polonais Antoni Waga lui a consacrée dans la Revue zoologique parue à Paris en 1842, de précieuses informations sont données sur la biographie du naturaliste : « Il s’y distingua par une inclination rare et un amour ardent pour les sciences naturelles et mérita l’attention particulière de ses maîtres, parmi lesquels le célèbre professeur L. H. Bojanus qui l’aida de ses conseils paternels. En 1821, à la fin de son cours, il fut enjoint par le Directoire de l’Université au maître-ès-lettres de faire un relevé scientifique du Gouvernement de Vilna [toute la région entre Vilnius et la mer Baltique]. Ce voyage terminé, le conseil de l’Université lui décerna une récompense pécuniaire et l’attacha à l’Université. En 1823, il fut honoré du titre de Candidat en Philosophie et fut en même temps autorisé à enseigner l’économie rurale. Mais des circonstances imprévues l’en détournèrent bientôt et il partit pour St. Pétersbourg. »

Probablement par crainte de représailles des autorités russes, Waga évoque « des circonstances imprévues » pour ne pas dire qu’il s’agit en réalité de l'arrestation de Krynicki en octobre 1823, suite à sa participation au mouvement des Philarètes, et de sa condamnation à un exil administratif en « Russie profonde » (Sibérie). Cependant, le jeune naturaliste fut défendu par une partie du milieu scientifique, et le recteur de l’Université de Kharkiv obtint pour lui en 1825 sa libération conditionnelle et un poste d’enseignant de minéralogie, puis de zoologie dans cette université.

Les mérites scientifiques, rappelés dans le texte de Waga, sont très importants. Pour cette raison, il fut invité par diverses sociétés savantes en Europe, à Dresde, Iéna, Heidelberg, Paris, et correspondait avec plusieurs grands naturalistes, dont Georges Cuvier. Même l’administration tsariste reconnaissait les mérites de ce grand naturaliste en lui attribuant divers prix et titres. L’Université de Kharkiv lui doit le classement moderne et un important enrichissement de ses collections d’histoire naturelle. Il fut aussi l’auteur de nombreuses descriptions de nouvelles espèces, surtout des insectes, des araignées et des mollusques. Il entreprit plusieurs expéditions scientifiques dont l’une lui coûta la vie : « Par suite d’une disposition du gouvernement, il entreprit en 1835 un voyage scientifique dans le Caucase et dans les bords de la mer Noire, d’où, en revenant, exposé sur la route de Kislar à un froid excessif, il fut atteint d’une maladie qui fit des progrès terribles dans une contrée où il n’y avait pas de médecins, et qui enfin accéléra le terme de sa vie. »

L’ancien élève de L.H. Bojanus laissa 14 publications jugées comme très importantes pour l’histoire de la zoologie. Nous n’avons cependant pas réussi à trouver un portrait de ce grand naturaliste.

L’illustration ci-contre représente une espèce de gastéropodes découverte par J. Krynicki : Helix derbentina (Krynicki, 1836), aujourd’hui dénommée : Xeropicta derbentina (Krynicki, 1836), photographiée par Olivier Gargominy, spécialiste des mollusques au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Paris.

Auteur de la notice : Piotr Daszkiewicz  piotr.daszkiewicz@mnhn.fr

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27 septembre 2021

République des Deux Nations : hommage scientifique à Włodzimierz Dzieduszycki (1825-1899)

Les 10 et 11 septembre 2021 à Zarzecze, dans le sud-est de la Pologne, dans le palais ayant autrefois appartenu à la famille Dzieduszycki, eut eu lieu une conférence scientifique intitulée : « Autour des passions naturalistes de la famille Dzieduszycki ». La famille Dzieduszycki comptait parmi les plus puissantes de la noblesse de la République des Deux Nations. Elle marqua non seulement la politique et la culture mais aussi l’histoire des sciences car, parmi les Dzieduszycki, il y avait d'éminents naturalistes. La conférence, organisée par l’Union de la famille Dzieduszycki et le Musée Dzieduszycki de Zarzecze, inaugurait ainsi la commémoration du bicentenaire de la naissance de Włodzimierz Dzieduszycki (1825-1899), naturaliste et fondateur du Musée d’histoire naturelle de Lviv. Au XIXe siècle, ce musée faisait fonction de musée national d’histoire naturelle pour la République des Deux Nations, déjà disparue à l’époque et privée d’institutions nationales. La conférence commença par une messe, célébrée par Mgr Adam Szal, archevêque de Przemyśl, commémorant le cinquantième anniversaire de la mort d’un autre éminent membre de la famille : Włodzimierz Dzieduszycki (1885-1971), éminent ornithologue et petit-fils du fondateur du musée de Lviv. Elle poursuivit par la remise à titre posthume d’une médaille du mérite à Izabella Dzieduszycka (1928-2020) pour ses œuvres dans le domaine social.

Durant la partie scientifique de la conférence, neuf sujets ont été présentés par des chercheurs de Pologne, d’Ukraine et de France, dont l’histoire et l’avenir du musée de Lviv, les mérites de Włodzimierz Dzieduszycki pour l’ethnographie, et l’histoire d’une collection d'objets d’art populaire offerte par lui au Muséum d’histoire naturelle de Paris, suite à l’Exposition universelle de 1878, mais aussi les mérites de la famille Dzieduszycki pour l’élevage de chevaux arabes.

Le programme et les exposées sont disponibles en ligne :   https://dzieduszyccy.pl/2021/09/19/referaty-wygloszone-na-konferencji-wokol-przyrodniczych-pasji-dzieduszyckich/

 

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27 mai 2020

Carl Muyschel, un des trois disciples de L.H Bojanus


Les recherches que le Cercle d’histoire Alsace-Lituanie mène depuis plusieurs années sur la vie et l’œuvre scientifique du grand naturaliste L.H. Bojanus (1776-1827) l’ont conduit à s’intéresser aux élèves du savant alsacien quand il fut professeur de médecine vétérinaire et d’anatomie comparée à l’Université de Vilnius. Carl Muyschel (1799-1843), aussi orthographié Karolis Muišelis ou Karol Mujschel, fut un d’eux. Bojanus le désigna comme l’un de ses successeurs – avec Adam Ferdynand Adamowicz (1802-1881) et Fortunat Jurewicz (1801-1828) – à la chaire de l’université. Bien que Muyschel ait marqué de son empreinte l’histoire des sciences vétérinaires et de l’anatomie, il n’existe pas de biographie contemporaine de ce scientifique. Les articles biographiques le concernant datent du XIXe siècle, dont le plus complet a été écrit en polonais par Edward Ostrowski, un des élèves de Muyschel à Vilnius, devenu directeur de l’École vétérinaire de Varsovie.
Carl Muyschel est né à Riga le 22 février 1799 dans une famille germano-balte protestante. Son père s’établit ensuite en Lituanie, dans les environs de Trakai. La famille l’envoya faire ses études secondaires à Dorpat (actuellement Tartu) où il se forma sous la direction notamment de deux philologues très respectés à l’époque, Karl Ludwig Struve (1785-1838) et Friedrich Rambach (1767-1826). En 1818, Muyschel vint à Vilnius pour y étudier la médecine où il suivra notamment les cours de Bojanus. On signalera qu’à côté de ses études, il écrivit des poèmes en allemand en s’inspirant d’anciennes légendes lituaniennes. Alors qu’il achevait son cursus d’études, Bojanus lui proposa continuer sa formation en sciences vétérinaires et en zoologie. Durant cinq ans, Bojanus forma ses successeurs. Tous les jours (et parfois les nuits), il présida les dissections de divers animaux et organes. Il leur enseigna l’anatomie comparée mais aussi l’anatomie des plantes. À partir de 1823, ces trois élèves prirent le relais du maître et commencèrent à enseigner à leur tour à l’université. Muyschel prit également soin d’enrichir la collection du cabinet anatomique et zoologique de Bojanus, dont la célèbre collection de vers intestinaux. En 1829, il obtint son doctorat en soutenant une thèse sur les muscles des chevaux intitulée Synonymia myologica equini generis. Grâce à un subside de l’université, il fit un voyage scientifique à travers l’Europe qui lui permit de visiter plusieurs grands centres modèles d’élevage de chevaux et haras modèles en Allemagne (Berlin, Dresde, Munich), au Danemark, en Italie, en Suisse, en Angleterre et en Autriche. Il revint à Vilnius en 1831 où il continua à enseigner l’anatomie et la chirurgie des animaux. Il y organisait les travaux pratiques vétérinaires et participa à l’ouverture des cliniques pour animaux de l’université. Lors de ses leçons, il s’appuyait notamment sur le Cours d'hippiatrique (1772) de Philippe Etienne Lafosse (1748-1820) [illustration ci-jointe]. Il devint à cette époque membre de la Société de médecine de Vilnius. Il reçut également une importante récompense financière (1000 roubles) pour ses mérites dans la valorisation du cabinet anatomique créé par Bojanus. Il inventa plusieurs outils chirurgicaux qui furent longtemps utilisés par les vétérinaires. Quand le pouvoir tsariste décida de fermer l’université de Vilnius en 1832, Muyschel souhaita arrêter sa carrière académique et s’établir à son propre compte dans son domaine en qualité de médecin et vétérinaire. Cependant, il accepta de continuer à enseigner à l’Académie vétérinaire de Vilnius que les autorités russes avaient accepté de maintenir durant un certain temps comme école professionnelle. En 1838, il publia à Vilnius une étude sur les progrès des sciences vétérinaires durant la période 1825-1836. En 1842, quand l’Académie vétérinaire fut à son tour fermée, Muyschel décida de pratiquer à la campagne. Un an plus tard, lors d'une épidémie de typhus, il se dévoua à l’aide à la population frappée par le fléau. Il mourut de cette maladie qu’il avait sans doute contractée en portant son aide aux malades.
Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz, piotr.daszkiewicz@mnhn.fr

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19 avril 2020

Bojanus désormais en ligne


En cette période de confinement, l’éditeur et les auteurs du seul livre en français consacré au zoologiste Louis-Henri Bojanus (1776-1827) ont décidé de le rendre accessible en ligne sans frais. L’ouvrage avait paru en 2015 aux éditions Vent d’Est à Strasbourg. Il a été traduit en lituanien pour être aussi publié dans cette langue en 2016 à Vilnius par le Gamtos tyrimų centras (Centre de recherche sur la nature) de l’Académie des sciences de Lituanie. Dans un format de poche original et richement illustré de photos, dessins et gravures d’époque, l’ouvrage retrace la vie et l’itinéraire de ce savant qui compte parmi les plus grands anatomistes de son temps. Ses nombreux travaux de recherche, notamment sur les tortues et sur l’aurochs et le bison, l’ont rendu célèbre bien au-delà de l’université de Vilnius où il professa pendant deux décennies.

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