22 octobre 2007

Marija Melnikaite hier en Lituanie, Guy Môquet aujourd’hui en France

Décidée par le nouveau Président de la République Nicolas Sarkozy, l’obligation pour les enseignants des lycées de France de lire la célèbre lettre de Guy Môquet (le plus jeune des 27 otages du camp de Châteaubriant fusillés le 22 octobre 1941 par l’occupant allemand en représailles après l’assassinat du lieutenant-colonel Karl Hotz à Nantes par trois communistes français) comme hommage à l’esprit de résistance nationale, ce lundi, est devenue sujet de polémique. Il est vrai que les usages politiques de figures héroïsées sont classiques et peuvent rappeler ceux des régimes communistes, d’autant plus que Guy Môquet fut un pur produit stalinien. Ainsi, en Lituanie soviétique, le régime n’hésita pas à exalter les vertus patriotiques et "prolétariennes" auprès de la jeunesse avec la figure de Marija Melnikaitė. Jeune ouvrière à Rokiškis en 1937, elle devint secrétaire du comité des Jeunesses communistes léninistes en 1940, à 17 ans, au moment de l’annexion de la Lituanie indépendante par l’URSS. Selon l’histographie officielle, au moment du déclenchement de la "Grande guerre patriotique", elle s’engagea dans la 16e Division lituanienne de l’Armée rouge, puis s’infiltra derrière les "lignes fascistes" où elle fut capturée à Gidžiūnai près d’Ignalina, torturée, puis fusillée le 13 juillet 1943, à 20 ans. En 1944, elle fut déclarée Héroïne de l’Union soviétique à titre posthume. Jusqu’au rétablissement de l’indépendance de la Lituanie en 1990, Melnikaitė fut célébrée comme une martyre dans les écoles lituaniennes et plusieurs kolkhozes et usines prirent son nom. Quant à Guy Môquet, ce jeune lycéen fut également un fervent militant des jeunesses communistes, ayant baigné dès son plus jeune âge dans une culture politique bolchevique, portée par ses parents, oncles et tantes qui travaillaient tous pour l’appareil du parti stalinien. Son père, député communiste de la Seine, avait été arrêté en septembre 1939 par les autorités françaises quand le PCF mena des actions de sabotage et de démoralisation de l’armée. En effet, après la signature du pacte germano-soviétique, les communistes français s’opposèrent à la guerre qu’ils considéraient comme une "guerre impérialiste" contre les intérêts du prolétariat. C’est l’arrestation de son père qui conduisit Guy Môquet à militer dans la clandestinité. Quand il fut lui-même arrêté en octobre 1940, les tracts qu’il distribuait s’inscrivirent totalement dans la ligne du Parti et n’appelèrent donc pas à la résistance. Ce n’est qu’après le déclenchement des hostilités entre l’Allemagne hitlérienne et l’URSS en juin 1941 que le parti communiste se lança dans la résistance. Avec le sang des otages, le Parti communiste essaya de laver une des périodes les plus troubles et ambiguës de son histoire. "Fais en un monument." C’est en substance ce qu’aurait fait dire Jacques Duclos - qui anima la direction clandestine du PCF - à Aragon en lui transmettant les renseignements recueillis sur place et les lettres des internés de Châteaubriant dont celles de Môquet. Ce texte, imprimé en tracts répandus dans toute la France en 1942, a été lu à Radio-Moscou et Radio-Londres et fit le tour du monde, comme le rappelle obligeamment le cahier spécial que vient de lui consacrer le quotidien communiste L’Humanité. A noter enfin que, quand le premier ministre François Fillon rendit hommage au jeune communiste devant les élèves de trois lycées parisiens ce 22 octobre, il le fit dans le "salon rouge" de Matignon, devant une aquarelle géante envahie également de rouge représentant Guy Môquet, œuvre commandée pour l’occasion par l’Elysée à Yan Pei Ming, peintre né en Chine populaire qui a commencé sa carrière sous Mao comme peintre de propagande. Sans commentaire !
http://ru.wikipedia.org/wiki/Мельникайте,_Марите
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_M%C3%B4quet
http://www.humanite.fr/IMG/pdf/07-10-22-2.pdf

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