10 janvier 2010

Le chapelet de Grodno : un rare objet naturaliste à retrouver

Eugène Louis Melchior Patrin (1742-1815) fut l’un des plus célèbres minéralogistes, naturalistes et voyageurs français du XVIIe siècle. Désireux de connaître le Nord afin de vérifier quelques hypothèses scientifiques, il se rendit au royaume de Pologne et dans le grand-duché de Lituanie où il rencontra Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814) à Grodno [illustration]. Ce dernier lui donna des lettres de recommandation pour l’Académie de Saint-Pétersbourg, où Patrin fut accueilli par Peter Simon Pallas (1741-1811). Durant huit ans, ce naturaliste français parcourait la Sibérie en récoltant une importante collection d’Histoire naturelle mais dès son retour à Saint-Pétersbourg, il s’aperçut que Pallas s’était approprié ses plus intéressantes découvertes. Il quitta alors la Russie pour retrouver, après dix ans, sa patrie. En France, il continua ses recherches minéralogiques et entama une carrière politique en devenant député de Lyon à la Convention, pour ensuite être proscrit et être obligé de se cacher sous la Terreur. Il continua par la suite ses recherches à l’École des mines de Saint-Etienne, à laquelle il légua sa riche collection minéralogique. Auteur de nombreux ouvrages considérés comme importants pour la science dont Relation d'un voyage aux monts d'Altaïce en Sibérie, fait en 1781 et les cinq volumes d’Histoire naturelle des minéraux, il mourut le 15 août 1815 à Saint-Vallier, près de Lyon. La Bibliothèque Centrale du Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris conserve les riches archives d’Eugène Patrin. Nous en savons cependant très peu au sujet de son passage par la Lituanie. Seul une de ses lettres adressées à sa mère fut envoyée de Grodno. Il est néanmoins certain qu’il resta en très bon terme avec Gilibert. Ce lui-ci fait à plusieurs reprises mention, dans son Histoire des plantes d’Europe à des plantes sibériennes que lui a envoyées Patrin. Nous avons la certitude que Gilibert lui montra la collection naturaliste qu’il avait réunie avec tant de soins en Lituanie. Et c’est à Patrin que nous devons une information sur un des objets bien particuliers de cette collection, information qui fut répétée dans les dictionnaires des sciences naturelles au dix-neuvième siècle : « Les insectes, qui sont dans le succin, lorsqu’ils sont bien conservés deviennent des objets de curiosité. Patrin dit avoir vu dans la Collection de l’Académie de Grodno, en 1777 un chapelet à l’espagnole, dont chaque graine renfermoit un insecte. C’étoit, dit-il une véritable Collection d’Entomologique ». Le célèbre "chapelet de Grodno" fut souvent cité à côté d’autre "objets de curiosités", comme le "lentille de succin faisant l’office d’un verre ardent, qui a un pied de diamètre" du cabinet du roi de Prusse. Il joua un rôle important dans la discussion sur l’origine de l’ambre. Les dires de Patrin sont pourtant l’unique témoignage de son existence. Qu’est devenu cet objet qui fit tant travailler l’imaginaire des naturalistes du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle ? Les spécimens de Grodno sont rapidement devenus une partie intégrale de la collection de Vilnius, et ce encore du temps de Gilibert et sous sa surveillance. Nous savons que ce naturaliste laissa le cabinet d’Histoire naturelle en grand désordre. Son successeur à Vilnius et compagnon de capitaine Cook, Georg Forster (1754-1794) s’en plaigna dans une lettre envoyée à sir Joseph Banks. Enfin, une grande partie de la collection naturaliste de Vilnius fut pillée, après la fermeture de l’université par les Russes. Le destin du chapelet décrit par Patrin reste, de nos jours, inconnu. Pour en savoir plus, prière de contacter Piotr Daszkiewicz, du Muséum national d’histoire naturelle :

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