29 décembre 2009

Hamlet de Korsunovas : Devenir ce que nous sommes !

Les Dernières Nouvelles d’Alsace publient ce jour la critique de Veneranda Paladino sur l’étape strasbourgeoise au théâtre du Maillon - les 17 et 18 décembre - de la tournée française d'Hamlet conçu par Oskaras Koršunovas (Photo D. Matvejev). "Quand Thomas Ostermeier choisit d'asseoir les représentants du pouvoir sur un sol de boue, et sur le cadavre du roi défunt - son cercueil à l'avant-scène transportant symboliquement la voix du passé, Koršunovas, lui, met au devant de la scène l'illusion théâtrale et son décor de loge, de table de maquillage où chacun des personnages vient grimer son être, travestir son âme et jouer sa comédie. Les néons des coiffeuses soulignent le noir des habits, tandis que les miroirs exercent un effet de dédoublement, de démultiplication, et visuellement s'opère la diffraction de la réalité dans laquelle Hamlet va perdre sa raison. Un travail sur le son renforce la solitude du jeune prince qui ici a des allures d'ange blond enragé. Koršunovas, qui a fréquemment fréquenté le dramaturge anglais, - il adapta Le Songe d'une nuit d'été en 2002, et Roméo et Juliette en 2004, tous deux présentés au Maillon - sait qu'en son théâtre on devient qui on est. De cette étoffe dont sont revêtus roi, reine, prince, tyran et amante, Shakespeare en dévide les fils jusqu'à la nudité de l'être. Le drame élisabéthain trouve ici les limites d'une transposition qui, si elle rend la dimension de fureur et de sang qui est la sienne, s'essouffle dans ce huis clos de la représentativité manquant souvent de fluidité et d'efficacité scénique. Entre les simples pouvoirs du théâtre, assumés comme tel - l'illusion fondamentale née du miroir, les volées de mouchoirs rouges pour faire le sang - et les effets sonores, le spectacle sert, sans grande surprise, l'adage shakespearien : "le monde est un théâtre". L'Hamlet de Koršunovas est seul, sacrifié sur l'autel de sa vérité, vidé de tout romantisme il s'est perdu dans les abysses de la haine des autres. Est-ce le simple revers de sa haine de soi, de la nôtre aussi ? La traversée du miroir hamlétien qui telle une souricière se referme sur notre réalité, ne laisse d'autre échappatoire que celle de demeurer le plus fidèle et honnête à soi même. Devenir ce que nous sommes."
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