04 juillet 2010

Brazauskas: décès d’une figure historique de la Lituanie

Algirdas Brazauskas, le premier président issu d'élections libres en Lituanie post-soviétique en 1993, est mort à l'âge de 77 ans le 26 juin 2010. Selon les médias lituaniens, il a succombé à une longue maladie ; il souffrait d'un lymphome et d'un cancer de la prostate. Né en 1933 à Rokiškis, en Lituanie indépendante, Algirdas Brazauskas fit des études de génie civil à l’Institut Polytechnique de Kaunas et suivit ensuite une carrière d’apparatchik classique au sein de la République socialiste soviétique de Lituanie et du Parti communiste lituanien. De 1965 à 1967, il fut secrétaire d’État aux matériaux de construction de la RSS de Lituanie, puis vice-président du Comité de planification et enfin, à partir de 1977, Brazauskas atteignit le poste de secrétaire du comité central du Parti communiste de Lituanie. En 1988, il fut élu premier secrétaire du Parti communiste de Lituanie et donc le personnage le plus influent de la RSS de Lituanie. En décembre 1989, il rompit avec Moscou et provoqua une scission au sein du parti communiste lituanien, qu’il transforma en 1991 en Parti démocratique du travail de Lituanie (Lietuvos Demokratinės Darbo Partija - LDDP). Suite aux élections parlementaires d’octobre 1992, il fut élu président de la Diète (Seimas) et devint chef de l’Etat par intérim en novembre 1992, en attendant que le poste de Président de la République soit créé par la nouvelle Constitution. C’est en février 1993 qu’Algirdas Brazauskas fut élu au suffrage universel à cette fonction avec 60 % des voix, face à Stasys Lozoraitis. Il décida de ne pas se représenter au terme de son quinquennat, sans pour autant quitter la vie politique. Valdas Adamkus lui succéda en février 1998. En juillet 2001, Algirdas Brazauskas fut nommé au poste de Premier ministre mais, en octobre 2004, il perdit les élections remportées par le Parti travailliste (DP) de Viktor Uspaskich. Il fut néanmoins reconduit comme Premier ministre à la tête d'une large coalition qui perdit la majorité en avril 2006, date qui marque son retrait de la vie politique. Son enterrement fut l’objet d’une vive polémique. En effet, le diocèse de Vilnius décida de ne pas autoriser la présence de la dépouille d’Algirdas Brazauskas à l’intérieur de la cathédrale de la capitale, lors de la messe qui fut donnée en sa mémoire, alors que ce dernier en avait émis le vœu. Pendant ce temps, le corps reposa dans une salle du palais présidentiel, à quelques encablures de là. La plupart des médias du pays ont dénoncé ce "boycottage" et y ont vu une revanche de l’Église à l’encontre d’un ancien dirigeant du régime communiste. Durant l’annexion soviétique, plus de 300 prêtres furent condamnés et envoyés en exil en Sibérie. Les autres furent surveillés et empêchés d’exercer normalement. La décision du diocèse fut également été critiquée par les deux successeurs du défunt à la présidence de la République. Ce refus "restera sur la conscience de ceux qui l’ont édicté" a estimé Dalia Grybauskaitė (qui fut enseignante à l’école des cadres du parti communiste à l’époque soviétique). Pour Valdas Adamkus (qui fut un des dirigeants de la communauté lituanienne aux Etats-Unis à l’époque soviétique), "l’Église a violé un principe de base : pardonner à ceux qui se sont trompés". Encore très influente dans ce pays majoritairement catholique, l’Église s’est montrée peu prolixe pour justifier sa décision. Le chef de l'Eglise lituanienne, l'archevêque Sigitas Tamkevičius, a rappelé le passé communiste de Brazauskas, le fait qu'il fut divorcé et qu'il a vécu avec sa seconde femme sans mariage à l'Eglise. "Si notre décision avait été différente, la réaction des gens aurait été différente aussi. Cela aurait été : les riches et les puissants peuvent vivre sans mariage, être communistes, ne pas se repentir, et l'Eglise restera quand même à leur service quand ils meurent" a-t-il expliqué. Etrange fin pour celui qui, en 1989, alors qu’il était premier secrétaire du PC lituanien, avait restitué à l’Église la cathédrale de Vilnius, que le régime avait transformée en galerie d’art.
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