11 décembre 2020

Cahiers Lituaniens : Lukša, Baltušis, Simenon, Trübner, Bopp et Meillet

Seule revue française entièrement consacrée à la Lituanie et aux relations de ce pays avec la France, le numéro 19 des Cahiers Lituaniens vient de paraître avec, cette année encore, un sommaire très diversifié liant l’histoire et l’art aux regards du présent. 

En 2021 en effet, la Lituanie commémorera le centenaire de la naissance de Juozas Lukša (1921-1951), ainsi que le soixante-dixième anniversaire de sa mort. Connu sous son pseudonyme de combat de Daumantas, il fut l'un des plus importants chefs de partisans lituaniens après la Seconde Guerre mondiale. C’est par le biais de sa correspondance avec sa compagne qu’est abordé dans ce numéro son engagement pour son pays jusqu’à l’ultime sacrifice de sa vie.

C’est dans un tout autre registre qu’est ensuite abordé le succès en France de La saga de Youza, l’œuvre majeure de Juozas Baltušis (1909-1991), un écrivain lituanien de talent qui a néanmoins toujours apporté son soutien au régime totalitaire soviétique. Auteur prolifique à l’époque communiste, il a aujourd’hui quasiment disparu des rayonnages et des programmes scolaires dans son pays. Longtemps secrétaire du Parti au sein de l’Union des écrivains de la RSS de Lituanie, il s’était également opposé, dans son aveuglement idéologique, au mouvement d’indépendance de la Lituanie au tournant des années 80 et 90.

Or, c’est justement durant cette période charnière, en 1990 et 1991, que René Weber (né en 1947) séjourna, parmi de rares Français, dans les pays baltes à l’aube de leur indépendance. Il témoigne ici comment il la vécut auprès des Lituaniens et comment sa résidence d’artiste à Nida l’a inspiré dans son art – lui, l’artiste venu de l’Ouest. Son Élan globe-trotter, qui illustre la couverture de ce numéro (photo), semble anticiper à sa manière la réouverture au monde tant espérée des Lituaniens.

La revue nous transporte par ailleurs dans le Vilnius de l’entre-deux-guerres, vu à travers l’œuvre du romancier belge Georges Simenon, ainsi que dans celui du milieu du XIXe siècle, quand trois élèves et successeurs du professeur Bojanus, Adam Ferdynand Adamowicz, Fortunat Jurewicz et Carl Muyschel, prirent sa relève à l’université. La linguistique lituanienne y est abordée à la fois par l’activité d’édition de Karl Trübner à Strasbourg et par les travaux sur la phonétique historique de Franz Bopp et d’Antoine Meillet.

Comme de tradition, ce numéro s’achève avec des textes de fiction, en l’occurrence deux contes populaires, Le nigaud et Le bateau d’or, précédés d’une introduction de Jean-Claude Lefebvre consacrée aux particularités lituaniennes de ce genre littéraire ancestral.

http://www.cahiers-lituaniens.org/

 

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27 mai 2020

Carl Muyschel, un des trois disciples de L.H Bojanus


Les recherches que le Cercle d’histoire Alsace-Lituanie mène depuis plusieurs années sur la vie et l’œuvre scientifique du grand naturaliste L.H. Bojanus (1776-1827) l’ont conduit à s’intéresser aux élèves du savant alsacien quand il fut professeur de médecine vétérinaire et d’anatomie comparée à l’Université de Vilnius. Carl Muyschel (1799-1843), aussi orthographié Karolis Muišelis ou Karol Mujschel, fut un d’eux. Bojanus le désigna comme l’un de ses successeurs – avec Adam Ferdynand Adamowicz (1802-1881) et Fortunat Jurewicz (1801-1828) – à la chaire de l’université. Bien que Muyschel ait marqué de son empreinte l’histoire des sciences vétérinaires et de l’anatomie, il n’existe pas de biographie contemporaine de ce scientifique. Les articles biographiques le concernant datent du XIXe siècle, dont le plus complet a été écrit en polonais par Edward Ostrowski, un des élèves de Muyschel à Vilnius, devenu directeur de l’École vétérinaire de Varsovie.
Carl Muyschel est né à Riga le 22 février 1799 dans une famille germano-balte protestante. Son père s’établit ensuite en Lituanie, dans les environs de Trakai. La famille l’envoya faire ses études secondaires à Dorpat (actuellement Tartu) où il se forma sous la direction notamment de deux philologues très respectés à l’époque, Karl Ludwig Struve (1785-1838) et Friedrich Rambach (1767-1826). En 1818, Muyschel vint à Vilnius pour y étudier la médecine où il suivra notamment les cours de Bojanus. On signalera qu’à côté de ses études, il écrivit des poèmes en allemand en s’inspirant d’anciennes légendes lituaniennes. Alors qu’il achevait son cursus d’études, Bojanus lui proposa continuer sa formation en sciences vétérinaires et en zoologie. Durant cinq ans, Bojanus forma ses successeurs. Tous les jours (et parfois les nuits), il présida les dissections de divers animaux et organes. Il leur enseigna l’anatomie comparée mais aussi l’anatomie des plantes. À partir de 1823, ces trois élèves prirent le relais du maître et commencèrent à enseigner à leur tour à l’université. Muyschel prit également soin d’enrichir la collection du cabinet anatomique et zoologique de Bojanus, dont la célèbre collection de vers intestinaux. En 1829, il obtint son doctorat en soutenant une thèse sur les muscles des chevaux intitulée Synonymia myologica equini generis. Grâce à un subside de l’université, il fit un voyage scientifique à travers l’Europe qui lui permit de visiter plusieurs grands centres modèles d’élevage de chevaux et haras modèles en Allemagne (Berlin, Dresde, Munich), au Danemark, en Italie, en Suisse, en Angleterre et en Autriche. Il revint à Vilnius en 1831 où il continua à enseigner l’anatomie et la chirurgie des animaux. Il y organisait les travaux pratiques vétérinaires et participa à l’ouverture des cliniques pour animaux de l’université. Lors de ses leçons, il s’appuyait notamment sur le Cours d'hippiatrique (1772) de Philippe Etienne Lafosse (1748-1820) [illustration ci-jointe]. Il devint à cette époque membre de la Société de médecine de Vilnius. Il reçut également une importante récompense financière (1000 roubles) pour ses mérites dans la valorisation du cabinet anatomique créé par Bojanus. Il inventa plusieurs outils chirurgicaux qui furent longtemps utilisés par les vétérinaires. Quand le pouvoir tsariste décida de fermer l’université de Vilnius en 1832, Muyschel souhaita arrêter sa carrière académique et s’établir à son propre compte dans son domaine en qualité de médecin et vétérinaire. Cependant, il accepta de continuer à enseigner à l’Académie vétérinaire de Vilnius que les autorités russes avaient accepté de maintenir durant un certain temps comme école professionnelle. En 1838, il publia à Vilnius une étude sur les progrès des sciences vétérinaires durant la période 1825-1836. En 1842, quand l’Académie vétérinaire fut à son tour fermée, Muyschel décida de pratiquer à la campagne. Un an plus tard, lors d'une épidémie de typhus, il se dévoua à l’aide à la population frappée par le fléau. Il mourut de cette maladie qu’il avait sans doute contractée en portant son aide aux malades.
Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz, piotr.daszkiewicz@mnhn.fr

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