21 juin 2023

Le lérotin lituanien du comte Konstanty Tyzenhauz (1786-1853)

Dans l’article sur le comte Konstanty Tyzenhauz (Cahiers Lituaniens n° 10, lien ci-dessous) ont été mentionnés les talents artistiques du comte : « Il fut un peintre habile et digne élève de Jean-Pierre Norblin de La Gourdaine (1745-1830), d’Aleksander Orłowski (1777-1832) ou encore de Jonas Rustemas (1762-1835) ». Parfois on peut trouver des illustrations faites par ce naturaliste dans les revues scientifiques françaises. Tel est le cas de la très belle gravure (ci-contre) du lérotin commun, originaire de son domaine où il élevait ces animaux, mais qu’il observait aussi dans les forêts avoisinantes. L’illustration accompagne son article Notice sur le Myoxus Dryas [le nom actuel est Dryomys nitedula (Pallas, 1778)], reconnu comme espèce européenne, suivie de quelques observations sur les Loirs d’Europe à l’état de domestication par M. le comte Tyzenhauz de Vilna, publiée en 1850 dans la Revue et magasin de zoologie pure et appliquée, créée et rédigée par un grand zoologiste de l’époque et ami de Tyzenhauz, Félix Édouard Guérin-Méneville (1799-1874). Tyzenhauz avait réussi à établir son statut taxinomique et prouver que le lérotin commun était bien une espèce d’Europe, alors qu’auparavant on attribuait son aire de répartition à l’Asie : « J’ai découvert le lérotin, pour la première fois, en Lithuanie vers la fin du printemps 1848 ». Il captura 25 individus et jugea que l’espèce fut commune dans le nord de l’Europe. C’est aussi à Tyzenhauz que nous devons son nom : « Le nom français n’étant point établi, je propose provisoirement celui de Lérotin comme diminutif de Lérot ». On notera que le nom lituanien est miškinė miegapelė. Le naturaliste décrira la morphologie et étudia aussi l’écologie de l’espèce (habitat, période d’activité, reproduction et hibernation). La note publiée par Guérin-Méneville, conservée au Muséum national d'histoire naturelle à Paris, est d’une grande importance sur la biologie de notre faune et sur cette espèce ignorée avant les observations de comte Tyzenhauz.

Pour en savoir plus : Piotr Daszkiewicz piotrdas@mnhn.fr
http://www.cahiers-lituaniens.org/DASZKIEWICZ-Konstanty-Tyzenhauz-ornithologie-Lituanie-France-n-10-2009.pdf

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15 mai 2014

150e anniversaire de la mort de Stanisław Batys Górski (1802-1864)

Stanisław Batys Górski (Stanislovas Batys Gorskis, en lituanien) se donna la mort le 3 avril 1864. Il passa les dernières années de sa vie dans le domaine d’un de ses amis Adolf Kubalicki, près de Švenčionys (Święciany). La situation politique d’alors priva ce grand naturaliste de toute possibilité de travail scientifique et le condamna à dépendre de la générosité de ses amis. Stanisław Batys Górski était né à Dwórka près de Kobryń, aujourd’hui en Biélorussie. Après avoir fait ses études secondaires à Grodno, puis à Świsłocz, il s’inscrivit en 1820 à l’université de Vilnius où il étudia d’abord les sciences naturelles, puis la médicine. Il se spécialisa en pharmacie et en pharmacognosie. Il travailla avec le célèbre pharmacien et naturaliste Jan Fryderyk Wolfgang (1775-1859), professeur à cette université. Durant les années 1829-32, Gorski dirigea le jardin botanique académique. Après la fermeture de l’université, il enseigna la botanique, la pharmacie et la pharmacognosie à l’Académie médico-chirurgicale. Quand les autorités russes fermèrent également cette institution, il ne put continuer ses recherches que grâce à des amis mécènes, notamment Constantin Tyzenhauz (1786-1853). Nous devons à Górski les premières études scientifiques sur la flore de la forêt de Białowieża. Une partie de ses travaux a été publiée à Vilnius sous le titre Sur les plantes aimées par les bisons et les autres végétaux. Il est aussi l’auteur de la partie botanique de Naturhistorische Skizze von Lithauen, Volhynien und Podolien in geognotisch-mineralogischer, botanischer und zoologischer Hinsicht (Vilnius 1830) de Carl Eduard von Eichwald (1795-1876), ainsi que du chapitre sur les plantes rares de la Description statistique de Vilnius de Baliński (1835). De nombreux herbiers et musées de l’Europe, tel que le Muséum national d’Histoire naturelle à Paris (MNHN), lui doivent des plantes de Lituanie. En signe de reconnaissance, George Bentham lui dédia même une espèce : Copaifera gorskiana. Górski marqua aussi l’histoire de la zoologie avec ses travaux entomologiques, comme Analecta Ad Entomographiam Provinciarum Occidentali-Meridionalium Imperii Rossici, publié à Berlin en 1846, ou encore ses travaux sur l’histoire de la cochenille de Pologne, autrefois une ressource économique très importante pour la République des Deux Nations. Il est coauteur d’un manuel de zoologie en trois volumes, Zoologia albo Historya naturalna zwierząt (Vilnius 1836-1837). La Bibliothèque Centrale du MNHN en conserve un exemplaire avec la dédicace de Gorski à Achille Valenciennes (1794-1865), ichtyologiste et professeur du Muséum, « comme preuve de la plus haute estime de l’auteur ». La dédicace est datée du 29 novembre 1847 ; Gorski l'a signée durant son voyage en Europe occidentale. Grâce à la générosité de Tyzenhauz, il visita à deux reprises, en 1841 et en 1847, diverses institutions scientifiques en Allemagne, Autriche, France, Suisse et Italie. Sa description du jardin botanique de Palerme, publiée à Varsovie en 1843, nous informe qu’il rapporta d’Italie en Lituanie de « petites oranges connus sous le nom Mandarino ». Il fut ainsi probablement le premier à tenter introduire des mandarines en Lituanie. Dès son retour, il habita dans le domaine de son ami déjà cité, près de Švenčionys. Malgré sa situation difficile, il soigna gratuitement les paysans. Il se donna la mort durant la période de grand désespoir qui régna en Lituanie, lors de la répression russe qui suivit l’écrasement de l’insurrection de 1863. Pour en savoir plus, prière de contacter Piotr Daszkiewicz :
piotrdas@mnhn.fr

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27 janvier 2014

80e anniversaire de l’édition de "Tentamen florae Lithuaniae"

L’ouvrage "Tentamen florae Lithuaniae" de Bolesław Hryniewiecki (1875-1963) a été publié en 1933. Dédié à l’université de Vilnius, ce livre est paru à l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de son fondateur, le roi Etienne Báthory (1533-1586). Il est une des plus importantes contributions à la connaissance de la nature lituanienne au XXe siècle. Tentamen n’est cependant pas uniquement un excellent ouvrage botanique comprenant la description de plus que mille espèces de plantes, l’analyse phytogéographique, phytosociologique et écologique de la flore lituanienne ; c’est également une source de premier ordre pour l’étude de l’histoire des sciences naturelles de cette partie de l’Europe.
Par ailleurs, nous devons à Hryniewiecki la biographie ainsi que l’analyse des notes botaniques et de l’herbier du frère Ambrosius – Jerzy Pabreżos (Pabreż) (1771-1849). Ce religieux de l’ordre des Bernardins, un Samogitien établi à Kretinga et formé à l’université de Vilnius, fut un des pionniers des recherches floristiques en Lituanie, l’auteur de la "Flore de Samogitie" et du dictionnaire des noms lituaniens des plantes, utilisé notamment par Matulionis pour son dictionnaire botanique lituano-russo-polonais (édité à Vilnius en 1904). Le manuel de botanique systématique en lituanien de Pabreżos fut édité plus que 50 ans après la mort de l’auteur aux Etats-Unis. Hryniewiecki renouvelle les écrits du frère Ambrosius sur la nomenclature populaire botanique et les règles de la formation des noms des plantes en Samogitie. Les informations publiées dans Tentamen sont d’autant plus importantes qu’une partie de l’herbier de ce botaniste fut perdue au moment de l’évacuation de Hryniewiecki d’Odessa, juste avant la prise de la ville et les massacres et pillages perpétrés en 1919 par les bolcheviques. Parmi les nombreux apports de ce livre à l’histoire des sciences, mentionnons encore la publication de l’autobiographie de Joseph Jundziłł (1794-1877), un des premiers savants qui ont étudié la flore de la Lituanie ; ce manuscrit fut découvert à Cracovie par Władysław Szafer (1886-1970).
Tentamen est aussi un livre plein d’érudition qui fait souvent référence à l’histoire et à la culture de la Lituanie. Les descriptions de la flore dans les poèmes de Mickiewicz et d’autres écrivains sont souvent citées et analysées. Hryniewiecki présente aussi des arbres historiques et d’autres monuments de la nature, dont les célèbres chênes Baublis, cité par Mickiewicz. Notons que le chêne fut l’objet des cultes païens et est dessiné par Konstanty Tyzenhauz (1806-1868) comme "témoin de la Lituanie préchrétienne", ou encore le pin de Napoléon, l’arbre de rencontre de l’empereur avec le tsar Alexandre Ier. Par ailleurs, Hryniewiecki souligne le rôle inspirateur de la culture pour les recherches naturalistes comme celles menées par Kazimierz Łapczyński (1823-1892) dans les forêts de Lituanie afin de retrouver des "hêtres de Mickiewicz".
Une notice biographique de l’auteur de Tentamen est disponible en ligne :
http://www.ihnpan.waw.pl/redakcje/organon/42/12hryniewiecki%20par%20daszkiewicz.pdf
Pour en savoir plus, prière de contacter Piotr Daszkiewicz :
piotrdas@mnhn.fr

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20 décembre 2013

Cahiers Lituaniens : Moncys et Milosz à l'honneur

Le 12e numéro des Cahiers Lituaniens vient de paraître. Publiée avec le concours de la Fondation Robert Schuman et de l’Union Internationale des Alsaciens, la revue vise à mieux faire connaître les liens historiques et culturels entre la Lituanie et la France – et plus particulièrement l’Alsace – en publiant des textes inédits en français d’auteurs lituaniens et français, mais aussi polonais, biélorusses, allemands, belges ou italiens. Le thème du voyage et de l’émigration en France est dominant dans ce numéro. Voyage au XIXe siècle, notamment en Lorraine et en Alsace, à travers les notes de prélats tels que Franciszek Bohusz, Ludwig Rhesa ou Kajetonas Nezabitauskis, ainsi que du naturaliste Ignacy Domeyko ou du comte Konstanty Tyszkiewicz. Emigration choisie pour le poète Oscar Milosz ou émigration forcée pour les comtes Szymon et Michał Zabiełło, Antoni Tyzenhauz, Michał Jan Pac. Exil enfin au XXe siècle pour le sculpteur et peintre Antanas Mončys à Paris – dont plusieurs œuvres illustrent ce cahier – et pour l’écrivain et poète vilnois Czesław Miłosz, prix Nobel de littérature, qui consacra au petit village alsacien de Mittelbergheim un poème éponyme. Parmi les curiosités de ce numéro, le lecteur trouvera un article sur le testament de Louis-Henri Bojanus (1776-1827), savant naturaliste originaire de Bouxwiller et professeur à l’université de Vilnius pendant près de deux décennies au début du XIXe siècle. Conservé aux Archives d’Etat de Hesse à Darmstadt, ce texte se révèle une précieuse contribution à l’histoire des sciences naturelles. Le cahier s’achève avec plusieurs poèmes en lituanien, avec leur traduction française, d’un poète de la nouvelle génération, Marius Burokas, lauréat du Prix des „Porteurs de livres“, ainsi qu’une correspondance entre Romain Rolland et Nikolai Worobiow – entre Genève et Kaunas – relative à Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, l’artiste si emblématique pour la Lituanie. http://www.cahiers-lituaniens.org

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19 octobre 2011

Les visiteurs lituaniens du cabinet d’histoire naturelle de Jean Hermann à Strasbourg

Jean Hermann (1738-1800), naturaliste et médecin strasbourgeois, a été l’un des plus grands savants de son époque. Il se distinguait, non seulement par ses travaux scientifiques et son enseignement, mais aussi par les collections qu’il réussit à réunir. Le Cabinet d’histoire naturelle de Strasbourg est rapidement devenu une véritable référence, un lieu incontournable de visites et de rencontres pour les savants venant de l’Europe tout entière. Les Archives municipales de Strasbourg conservent un précieux document pour l’histoire des sciences : la Liste des visiteurs du Cabinet Hermann. Cette liste permet de découvrir l’importance des collections naturalistes de Strasbourg dans le domaine scientifique pour la République des Deux Nations et plus particulièrement pour la Lituanie. C’est non sans une certaine surprise que l’on peut constater que le Cabinet de Hermann a été visité par de nombreux dignitaires lituaniens et polonais. Ce fait prouve l’existence d’une importante culture scientifique dans l’élite politique de l’époque. Parmi les grands noms de l’histoire polono-lituanien l’ayant visité, citons Michal Jerzy Poniatowski (1736-1794), jeune frère du roi Stanisaw August, dernier primat de la République des Deux Nations et archevêque de Gniezno (il visita le Cabinet le 5 octobre 1790) ; Antoni Tyzenhauz (1733-1785), trésorier du grand-duché de Lituanie, l’un des plus importants hommes d’Etat (il visita le cabinet deux fois, le 13 septembre 1778 et 27 mars 1782). Hermann nota sur sa liste de nombreux ecclésiastes : "l’abbé Górski, suffragant de Poméranie" (14 avril 1782) ; le même jour, il nota la visite de "Mr l’abbé Tempié français de Livonie & chanoine de Smoleńsk" ; le 10 septembre 1782 , il nota "Mr. Samborski, aumônier du Grand Duc que mon frère a connu à Londres". Parmi ces visiteurs, nous trouvons aussi les noms des plus grandes familles aristocratiques du pays : Radziwill, Sapieha, Lubomirski. Le 6 novembre 1785, il nota la visite de "M de Rzewuski, grand général de Lituanie [Seweryn Rzewuski (1743-1811)] et Mme née Lubomirska [Konstancja Małgorzata Lubomirska (1761–1840)], fille du Grand maréchal de Pologne avec M. le comte de Pac et M. le comte Olezky du Régiment de Salem-Salem". Grâce à la correspondance entre Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814) et Antoine-Laurent de Jussieu (1748-1836), conservée au Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris, nous savons que Hermann correspondait avec Gilibert et lui envoya de nombreuses graines, contribuant ainsi à la création du premier jardin botanique en Lituanie. Mme Gilibert de Lyon visita le cabinet à Strasbourg le 21 août 1776, probablement sur sa route de retour vers la Lituanie. Le 28 janvier 1783, a été notée la visite de "M. Grognard, natif de Lyon établi à Pétersbourg et qui va se marier Tobolsk, il connaît Gilibert pour lequel je lui ai donné une lettre". Malheureusement, d’éventuelles lettres de Lituanie de Gilibert à Hermann restent de nos jours encore inconnues. Un article de Piotr Daszkiewicz (piotrdas@mnhn.fr) à ce sujet sera publié dans le prochain numéro des Cahiers Lituaniens.
http://www.cahiers-lituaniens.org/

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24 décembre 2009

Cahiers Lituaniens : Stanislovas Riauba à l’honneur du n°10

En cette veille de Noël, le 10e numéro annuel des Cahiers Lituaniens vient de paraître. Sa couverture et les illustrations des pages intérieures sont dues à un de ces exceptionnels artistes populaires si typiques de la Lituanie, encore si imprégnée des antiques traditions culturelles indo-européennes : Stanislovas Riauba. La présentation de l’artiste par l’historienne de l’art Marija Kuodienė permet de pénétrer dans son monde à la fois naïf et plein d’humour, primitif et fantastique. Au sommaire de ce numéro également, l’origine du nom de Lituanie et sa première mention dans les sources écrites sont analysées par l’académicien et historien de la langue Zigmas Zinkevičius. L’étude des relations entre la Lituanie et la France est circonscrite dans ce numéro au XIXe siècle. Deux textes ayant fait l’objet de communications lors du colloque organisé en juin 2008 au Centre culturel français de Vilnius détaillent l’influence française sur l’université et sur l’intelligentsia de la ville. Un autre texte sur le rôle du comte Konstanty Tyzenhauz (1786-1853) dans la naissance de l’ornithologie moderne en Lituanie et en France complète le thème. Par ailleurs, suite au succès de la parution simultanée du texte original de Maironis et de sa traduction dans le précédent numéro, l’expérience est renouvelée avec, cette fois, cinq poèmes de deux auteurs de la génération née dans les années soixante : Aidas Marčėnas et Alvydas Šlepikas. Enfin, le numéro s’achève une bibliographie raisonnée de l’abondante littérature en langue française sur le judaïsme lituanien parue depuis la Seconde Guerre mondiale.
http://www.cahiers-lituaniens.org/

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18 mai 2009

La correspondance Gilibert - Jussieu (1748-1836), un précieux témoignage de l’histoire des sciences en Lituanie

La Bibliothèque Botanique du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) à Paris conserve une série de lettres du botaniste Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814) à Antoine-Laurent de Jussieu (1748-1836), démonstrateur de botanique au Jardin du Roi, membre de l’Académie Royale des Sciences et directeur du MNHN. Elles ont été analysées par Piotr Daszkiewicz, du Service du Patrimoine Naturel du MNHN, avec l’aide de Françoise Bouazzat et Denis Lamy, de la Bibliothèque du MNHN. Une de ces lettres fut envoyée le 23 octobre 1777, de Grodno et date de la période du séjour de Gilibert en Lituanie. Gilibert y informe son collègue de l’état des institutions scientifiques, organisées par ses soins à la demande de l’administration de l’Etat polono-lituanien : "Deux ans se sont écoulés depuis mon arrivée. Pendant ce temps, j’ai eu les facilités d’établir un jardin de botanique qui le dispute pour le choix des plantes et leur nombre avec celui de Montpellier. Le cabinet d’histoire naturelle est pour le plus complet pour la minéralogie. Nous n’envions riens aux plus célèbres des pétrifications des mines de Suède, Russie, Hongrie, Saxe et Tyrol. L’amphithéâtre anatomique est considérable avec plus de cent pièces injectés ou monstres, fœtus, etc. La bibliothèque de l’Académie médicale ne renferme encore que trois mille volumes mais nous possédons les plus beaux ouvrages de botanique, de zoologie et d’anatomie". Cette lettre contient nombre d’informations concernant l’avancement de son travail sur la Flore de Lituanie (Flora Lithuanica inchoata) - la première au sujet de ce pays -, ouvrage édité quatre ans plus tard, en 1781 : "J’ai sérieusement travaillé à déterminer les plantes de Lithuanie, aidé par vingt quatre élèves. Vous ne serez pas surpris, si notre Flora offre déjà neuf cents espèces de plantes très certaines, parmi lesquelles se trouvent plusieurs sibériennes. Vous serez étonnés de nos véroniques, campanules, ombellifères, salices [saules], etc." Les recherches botaniques de Gilibert en Lituanie sont bien connues des naturalistes et des historiens des sciences. Nous en savons beaucoup moins sur ses recherches dans les autres branches des sciences naturelles. De ce point de vue, la lettre à Jussieu constitue un témoignage unique. Rappelons, à titre d’exemple, les dires de Gilibert en ce qui concerne ses travaux en entomologie : "Les insectes ont été collectés avec le même soin. Je viens de finir de le déterminer : nous en avons déjà huit cent espèces sûres, quelques-unes qui ne sont point dans la Faune de Linné [l’ouvrage de référence de l’époque]. Ce qui m’a surpris, c’est que nous en avons à Grodno, le foulon, la tête de mort, etc." Gilibert informa Jussieu de la construction des bâtiments de l’Académie médicale et de son hôpital. Il se montre satisfait de la beauté et des richesses naturelles de la Lituanie, mais aussi de sa situation personnelle : "Si vous me demandez quel est mon sort, je vous dirai qu’il est de plus heureux ! Mes brevets tous très honorables : inspecteur général des écoles de médecine du grand-duché de Lithuanie, premier professeur de celle de Grodno, physicien du même duché, médecin ordinaire du roi, conseilleur aulique. Ma place non compris, la pratique va à 600 ducats ce qui fait un peu plus de 6000 # [livres tournois] de rente". La lettre a pour but la demande d’envoi en Lituanie de graines de plantes du Jardin du Roi à Paris. Gilibert, après avoir présenté ses collections végétales (avec les serres de plantes africaines), cite les noms des naturalistes qui ont envoyé ou échangé des plantes avec le Jardin de Grodno : Nicolaus Jacquin (1727-1817) de Vienne, Simon Pallas (1741-1811) de Saint-Pétersbourg, Antoine Gouan (1733-1821) de Montpellier, Jean Hermann (1731-1800) de Strasbourg. Faute de documents conservés au MNHN, nous ne pouvons que supposer qu’Antoine-Laurent de Jussieu a également participé à ces envoi de plantes en Lituanie. Afin de mieux présenter la situation en Lituanie, Gilibert joignit un imprimé de sa lettre à Louis Vitet (1736-1809), contenant une description de la visite du roi Stanislas Auguste Poniatowski (1732-1798) à Grodno et plus particulièrement de l’Académie médicale, du jardin botanique, et de l’amphithéâtre anatomique, mais aussi des manufactures organisées par Antoni Tyzenhauz (1733-1785) et à l’Ecole Militaire. L’imprimé de la lettre, document d’une grande rareté, n’est pas inconnu des historiens de Lituanie. Néanmoins, l’exemplaire de la Bibliothèque Botanique du MNHN mérite une attention particulière ; en effet, il porte des annotations manuscrites de Gilibert informant des cadeaux du Roi (douze volumes de la Flora Danica et une robe d’une valeur de cinquante ducats pour l’épouse de naturaliste), des modalités d’envoi des graines et d’une demande à Jussieu concernant les achats de livres et d’objets d’histoire naturelle. Pour en savoir plus concernant cette correspondance : Piotr Daszkiewicz,
piotrdas@mnhn.fr

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